Les avocats du barreau de Paris durant leur hommage à Me Dorval |
À ce brillant esprit, disparu, que le monde a pleuré amèrement, le Professeur Pierre a jugé nécessaire d’apporter sa voix pour souligner ce départ tout aussi cruel que prématuré. Reconnaissant le génie de ce grand personnage, le Professeur a trouvé des mots électrisants pour saluer sa mémoire, sa compétence, et son éphémère passage au milieu des siens, de son pays qu’il voudrait bien voir évoluer dans le sens de l’histoire.hg
Jusques à
quand?
« Me
Dorval n’est pas au service de lui-même. Je ne m'appartiens plus, j'appartiens
au pays. Je fais le sacrifice de ma vie pour servir le pays. J'aime ce pays.
Nous avons une grande histoire ».Tels furent les derniers mots du
professeur Monferrier Dorval !
Des propos
qui constituent en soi un legs puissant laissé par maître Dorval à ses
compatriotes soucieux de changements positifs pour le pays.
Une
déclaration de patriotisme à la fois sublime et authentique qui tranche avec
l’opportunisme mercantile qui devient de plus en plus la marque de commerce de
notre société.
Une
prémonition trop vite réalisée et qui a fait perdre au pays un de ses plus
brillants esprits.
Mieux
encore, une de ces figures, de plus en plus rares au pays, qui a fait de
l’intégrité et de l’indépendance d’esprit le fil conducteur de sa pensée et de
son action.
Une
déclaration qui se termine par un rappel de la grandeur de notre histoire. Une
grandeur passée, contrastant tristement avec notre descente aux enfers que nous
ne faisons que constater.
Une descente
aux enfers qui nous semble sans limites et qu’aucune volonté, quelle qu’elle
soit, ne semble capable de freiner.
Un des plus
illustres personnages de notre indépendance et de notre histoire, Toussaint
Louverture, au moment de sa déportation sur ordre de Bonaparte au fort de Joux
où il meurt le 7 avril 1803, avait lui aussi prophétisé ce qui suit:
« En me
renversant, on n'a abattu que le tronc de l'arbre de la liberté des Noirs; il
repoussera par les racines parce qu'elles sont nombreuses et profondes. »
Pouvons-nous
espérer, au regard de ces deux puissantes déclarations datant l’une de 1802 et
l’autre de 2020, que Haïti serait à la veille d’une nouvelle ère? Une nouvelle
ère de libération, d’émancipation véritable, d’une réelle indépendance avec un
réel droit à l’autodétermination et à la prise en main de son destin. La
société haïtienne entretient désespérément cet espoir.
Le
professeur Dorval rentre désormais dans ce club sélect de patriotes distingués
qui ont travaillé toute leur vie pour une Haïti meilleure. Cette classe
restreinte de citoyens et de vrais défenseurs de la justice pour tous, qui ont
payé de leur vie leur attachement à un État de droit, à un État moderne, à un
État qui est à l’écoute de sa population et qui se met à son service. Un État
qui protège les faibles et les plus démunis en leur donnant accès aux services
de base auxquels ils ont droit, dans la dignité et l’autonomie qui élèvent
chaque personne au statut d’être humain à part entière. Au statut d’être libre.
C’était le
combat mené par Toussaint Louverture quand il a été déporté en 1802.
C’était
aussi le combat mené par Dessalines qui a été assassiné au Pont-Rouge le 17
octobre 1806.
C’était
aussi le combat mené par Charlemagne Péralte qui a été assassiné le 1er
novembre 1919 près de la Grande-Rivière-du-Nord.
En fait,
c’était le combat mené par plusieurs figures progressistes de notre histoire,
lointaine et récente, des personnalités qui ont consacré presque toute leur vie
à lutter pour l’avènement d’une Haïti meilleure.
Monferrier
Dorval est donc de cette lignée de grandes figures de notre histoire qui ont
fait le sacrifice de leur vie pour servir le pays en citoyen responsable.******
Jusques à
quand allons-nous assister, impuissants, à la destruction de toutes ses vies
humaines – innocents pauvres, innocents riches, innocents ni riches ni pauvres
– sans pouvoir leur rendre justice ou mettre fin à cette furie mortifère?
Jusques à
quand allons-nous assister, impuissants, à l’assassinat de nos héros de tous
les temps, dans une parfaite impunité qui fait de chaque personne vivante une
proie facile pour les meurtriers sans pitié ni états d’âme?
Jusques à
quand allons-nous assister, impuissants, à la transformation du pays en un
enfer où l’espoir d’un lendemain meilleur se dissipe de jour en jour pour ses
paisibles citoyennes et citoyens?
Jusques à
quand allons-nous assister, impuissants, au départ massif de nos jeunes vers
des cieux qu’ils anticipent plus cléments, parce que la société haïtienne n’est
pas capable de leur fournir un brin de perspective d’avenir?
Jusques à
quand allons-nous assister, impuissants, à la méfiance collective qui nous
empêche de nous mettre ensemble pour trouver notre voie, un vivre-ensemble qui
accepte nos différences, dans le respect des uns et des autres, tout en
réduisant les énormes inégalités et l’injustice ambiantes?
Jusques à
quand allons-nous assister, impuissants, au sauve-qui-peut généralisé qui nous
condamne à l’indifférence envers le sort des personnes en désarroi que nous
croisons sur nos chemins et à qui nous refusons toute manifestation d’empathie?
Jusques à
quand allons-nous assister, impuissants, à la dictature d’une minorité non
inspirée ni inspirante, qui entraine une majorité silencieuse au découragement,
à la faillite, au désespoir, à la peur, à l’abandon du pays, en enlevant toute
valeur à la vie humaine?
Jusques à
quand allons-nous assister, impuissants, à la détérioration de notre image
collective, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur, comme un pays incapable de se prendre
en main et qui s’enfonce chaque jour davantage dans l’anarchie, l’insécurité et
la pauvreté?
Jusques à
quand allons-nous assister, impuissants, au positionnement d’Haïti comme chef
de file mondial des pays exportateurs de talents qui ne sont pas reconnus pour
leur mérite, ni promus à cause de leurs compétences, ni valorisés pour leur
savoir-être, ni protégés par la terre qui les a vus naître?
Jusques à
quand allons-nous accepter, pays pauvres que nous sommes, que les familles
investissent massivement dans l’éducation de leurs enfants pour qu’ils aillent,
finalement, œuvrer au développement et à l’enrichissement de sociétés plus
nanties que nous?
Jusques à
quand allons-nous assister, impuissants, aux assauts quotidiens portés à l’État
de droit et à la lutte contre l’impunité, quand on sait que c’est la seule
façon d’arriver à une société plus juste et plus vivable pour les citoyennes et
les citoyens de toutes les classes sociales?
Jusques à
quand allons-nous accepter, impuissants, à ce que notre système judiciaire
propage l’injustice et entretient l’impunité qui met en danger la vie de toutes
les citoyennes, de tous les citoyens, même celle de nos plus éminents juristes?
Jusques à
quand allons-nous accepter, impuissants, que les porteurs de lumière soient
lâchement abattus afin de maintenir – le plus longtemps possible et le plus
grand nombre possible – dans une profonde obscurité qui compromet tout espoir
de progrès social?
Jusques à
quand allons-nous assister, impuissants, à ce que le rêve du professeur
Monferrier Dorval de maintenir Haïti dans la grandeur de son histoire
disparaisse avec son départ tout aussi cruel que prématuré?
Jusques à
quand?
Samuel Pierre
25 septembre 2020
DESSALINES avait prôné "L'Union fait la force". Nous savons qu'il y a un cancer intestinal et nous savons qu il faut s'unir. Ma question à toi:"comment y arriver en tenant compte de tous les barrages en place?"..
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