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Monday, August 14, 2017

Les colons avaient aussi des puces et des morpions en partage (2ème partie)

Par Max Dorismond

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Plusieurs poèmes de l’époque chantaient ces actes intimes, ces doux grattages en public sous les épais habits de l’époque. Plusieurs livres en parlaient. L’élite n’était pas à l’abri.  Même Louis XIV, « dont le Journal de Santé, tenu par ses médecins, nous apprend qu’il était troublé par les punaises 5- ».  Selon le pasteur protestant Christian Lesser, « Il n’est point d’homme, depuis le Roi, jusqu’au dernier de ses sujets, qui soit à l’abri de leurs insultes 5- ». En réalité, ces insectes nuisibles n’étaient pas l’apanage du peuple. Les femmes de la haute société qui portaient des manteaux « en fourrures d’animaux carnivores », accompagnées d’un petit chien, ne reflétaient pas simplement un signe de coquetterie, mais de préférence, une technique pour se protéger contre les vermines qui s’attaquent au revers de la fourrure ou se collent au petit chien, véritable piège à puces. « Le parasitologue Jean-Claude Beaucornu signale que leur abondance était telle que pendant la restauration de White Hall en 1962, on aurait trouvé, dans des vêtements datant du règne d’Henri VIII, (Angleterre 1491-1547), des centaines de puces mortes 6- ». En 1668, Étienne Cormus était payé 24 florins mensuellement pour « fumiger, parfumer, purifier  passants et maisons 7- ».
Aussi, plusieurs peintures ou tableaux célèbres du XVII et XVIIIe siècle témoignent de la virulence de ces insectes piqueurs et du romantisme qui y a été accolé. On retrouve la « Chercheuse de puces » du peintre français Nicolas Lancret, La « Servante à la puce » de Georges de la Tour, la « Chasse aux puces » de Gerrit Van Honthorst, s’il ne faut citer que ceux-là. En effet, « Il semble que la chasse aux puces soit un jeu amoureux de l’époque moderne », selon l’auteure Camille le Doz…3- Pas plus tard, qu’hier, au XIXe siècle, c’était malséant de chercher des puces en public, mais dans l’intimité, on ne dédaignait point cette tendre caresse. Et les amoureux s’en délectaient à cœur joie. Plusieurs poètes ont légué leurs odes à la puce. Nous pouvons citer, à preuve, le poème de Claude d’Esternod, « Le Paranymphe de la vieille qui fit un bon office (1619)». L ‘auteur relate les souvenirs de l’intimité d’une maîtresse âgée lors de ses ébats amoureux évoquant les puces à témoins : « Puisses-tu vieille Cibelle / Vivre toujours comme immortelle / Que la puce mal à propos /Le morpion, ni la punaise, / Ne viennent point troubler ton aise, / Ta pasture, ni ton repos 8- »

Ce qui suit va sans nul doute nous laisser avec une pensée pour les premiers Américains, en l’occurrence les indiens, au contact des premiers aventuriers qui y débarquèrent. L’histoire rapporte que ces derniers furent victimes de mauvais traitements, du travail harassant auquel ils n’étaient pas habitués, de maladies importées par les Européens sans en décliner la totalité. Or, cet insecte hématophage fut porteur « de l’agent vecteur du bacille de la peste bubonique ». Cette peste décima l’Europe du VIe  jusqu’au VIIIe siècle 9-. Ensuite, elle refit son apparition en 1347 pour ravager le continent qui a perdu un quart de sa population, soit de 25 à 40 millions de personnes, pendant 5 ans, de 1347 à 1352. Cette époque fut connue sous le vocable de la « mort noire ou la peste noire ». Par des contrecoups sporadiques, cette peste frappa ce continent pour s’affaiblir seulement au XVIIe siècle 10-.

Christophe Colomb, dans son récit à propos des indiens d’Amérique, décrivait cette peuplade comme étant des saints-hommes. « Ils sont très doux et ignorants de ce qu’est le mal. Ce sont les meilleurs gens du monde et les plus paisibles…11- ».  Colomb effectue son premier voyage de retour en Espagne en laissant une garnison en bons termes avec les autochtones. À son retour à St-Domingue, en novembre 1493, ce fut la consternation. Les 39 membres de son fortin furent décimés. Si, et encore si les indiens avaient découvert que ces éléments avaient contaminé leurs femmes et leurs filles avec ces insectes hématophages, ne serait-ce pas, entre autres, une des causes de ce carnage exécuté par ces « hommes si paisibles » ? Là encore, l’histoire a souligné d’autres raisons pertinentes. Nous ne saurons avancer dans ce labyrinthe pour le moment. Car, avec les « SI », nous pourrions converser avec les martiens. Toutefois, dans la chaleur tropicale, la croissance de ces bestioles s’avère plus virulente.  L’auteur de l’ouvrage «  Hortus sanitatis », Joannes de Cuba, (1491) l’a confirmé en ces termes : « La pulce est moult piquante et poignante, memement au temps deste (été) et au temps de pluye 12- ».

Malgré la somme de livres existants consacrés à ce sujet, il y eut un voile épais sur ces épisodes que l’Europe obséquieuse ne voudrait pas révéler. C’est ce qui explique l’absence de ces ouvrages chez les ex-colonisés. Les bons petits Frères de l’Instruction Chrétienne ne s’empressaient pas de les entretenir du ravage de ces bestioles dans leur société d’origine. Pourtant, objet encore brûlant, les écrivains ne désarment point. Michel Braudau, en 1982,  nous a gratifiés du livre, le « Fantôme d’une puce » et Camille Le Doze, en 2010, nous arrive avec « La Puce : De la vermine aux démangeaisons érotiques ».

Dans la réalité, les autochtones ne furent pas seulement tributaires de la langue. Les prédateurs avaient aussi des puces, des morpions, des punaises et d’autres vermines en partage. Les natifs furent victimes d’une kyrielle de maladies innommables. Est-ce que ces derniers et les esclaves importés d’Afrique, à part ceux importés d’Europe (Les Engagés),  en avaient aussi, bien avant ce choc des civilisations? Aucun bouquin connu n’en a fait mention. Je n’ai pas poussé mes recherches assez loin pour répondre à cette interrogation. Cependant nous n’allons pas non plus infirmer l’histoire. L’hygiène laissait à désirer partout, sur tous les continents, à cette époque. Chacun possédait ses petites bibittes et ses simples bobos, connus sous d’autres noms, évidemment. Toutefois, j’ai retracé dans un écrit de l’historien Jacques Casimir, « Le chemin des origines », une référence des autorités coloniales de l’époque, sorte d’appel au secours pour prévenir ou stopper les infections dans les Caraïbes. Elle se lit comme suit : « Les Antilles françaises des Amériques : Guadeloupe, Martinique, Saint-Domingue(Haïti), étaient devenues les déversoirs de toute la racaille de la société française, si bien qu’en 1713, Charles de Corbon Comte de Blénac, gouverneur Général des Antilles françaises et de la Martinique et Jean-Jacques Mithon de Senneville, premier intendant de Saint-Domingue, supplient le Ministre de la Marine « de n’envoyer aucune fille comme à l’ordinaire des mauvais lieux de Paris ; elles apportent un corps aussi corrompu que leurs mœurs. Elles ne servent qu’à infecter les colonies et ne sont nullement propres à la génération 14- » ».

J’ai lu l’ouvrage du Dr. JBR. Pouppé Desportes : « Histoire des maladies de Saint Domingue (1742) 13- ». Il a séjourné au Cap-Haïtien durant quatorze ans. Le mot puce n’y figure pas plus. Par contre, des maladies fulgurantes qui tuent en l’espace de vingt-quatre heures furent répertoriées. Des maladies aux noms bizarres, aux effets dévastateurs pour la plupart, au point de souligner que notre existence aujourd’hui s’avère être le résultat de la sélection naturelle. C’est-à-dire, les plus forts seulement étaient parvenus à survivre dans l’enfer décrit. La chaleur tropicale était impardonnable. Le nouveau monde ne fut pas un itinéraire parsemé de roses écarlates.

Voilà ! Ce fut pour moi, une manière de partager avec vous ces quelques souvenirs coquins sur cette langue qui n’est pas nôtre et que les petits amis de nos ancêtres n’avaient pas jugé nécessaires de leur révéler.

Max Dorismond
NOTE BIBLIOGRAPHIQUE

1-       Remuer la puce à quelqu’un : Autrefois c’est épouillé quelqu’un, lui enlever ses puces. Aujourd’hui, c’est taper, battre, secouer un enfant, un individu… Marché aux puces : Zone commerciale qui fait référence à des vêtements infestés de puces en vente à partir du XIXe siècle. (Hugo Dumas, La Presse du 12-07-2017) – Aujourd’hui : zone commerciale où l’on vend de tout, du neuf comme du vieux. Sorte de foire commerciale. Avoir la Puce à l’oreille : « Cette locution, autrefois, a désigné pendant des siècles, le  tourment et l’agacement amoureux. Aujourd’hui, elle signifie : être au courant de… »
2-       On appelle Moyen Âge, (Ve au XIIIe siècle) ou époque médiévale la longue période d'environ 1000 ans qui, en Europe, sépare la fin de l'Empire romain d'Occident (476 ap. J.-C.) de la découverte de l'Amérique par Christophe Colomb en 1492(ou de la chute du royaume musulman de Grenade en Espagne, la même année)
3-       « La Puce : De la vermine aux démangeaisons érotiques. Camille le Doze » Les Éditions Arkhê, 2010 (France). (page 170)(page 86)

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