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Tuesday, May 2, 2017

Le réveil des identités meurtries


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Voilà l'exemple criant de la haine de l'esclave arraché de sa terre
 natale bien démontré dans le film Amistad.                                         

Par Max Dorismond
La France, la Belgique, l’Angleterre, l’Allemagne, en fait l’Europe entière saute sous les férules d’intégristes de tout poil. Un meurtre restera toujours un meurtre de trop. Personne ne peut cautionner la barbarie, quelle que soit l’époque, quel que soit son horizon. Mais, il faut bien parfois transcender notre angoisse, notre peur, aller au-delà de la crise émotionnelle, pour découvrir les raisons de cette haine persistante qui a contribué à cette déplorable  boucherie, quand la brûlante question vient frapper à la porte de notre subconscient.

Pourquoi toute cette acrimonie? Éberlué par l’horreur, on se voit tantôt dans la peau des victimes, tantôt dans la tête du criminel pour essayer de comprendre le mobile de cette bestialité. Des réponses instantanées, selon la culture de chacun, le laissent avec l’illusion du réconfort d’un lendemain sans conséquence. Toutefois, ce n’est qu’une utopie. On est encore loin de la vérité. Il faut parfois aller au delà de l’histoire. La fin n’est pas pour demain. Les faits semblent plaider en faveur de la tornade à répétition.


L’insouciance collective
Attentat sur les Champs-Elysées à Paris le 20 avril 2017
Le train de la vie roule si vite que nous omettons de nous attarder sur l’origine de l’événement macabre qui se dessine sous nos yeux. Tel un fait divers, certains désastres nous passent par-dessus la tête sans trop nous effleurer, surtout si des kilomètres nous séparent du théâtre de la tragédie. Pire encore, parfois un livre parcouru ou une nouvelle à la télé ne nous interpelle outre mesure. C’est l’histoire de l’autre. Or, voilà, c’est bien ce fatal égoïsme qu’il faut extirper de notre inconscient et nous convertir en psychologue de l’histoire passée pour mieux appréhender la réalité qui n’est nullement évidente, tant elle est si bien maquillée. La désinformation est une règle fondamentale dans le politico-social. Il nous revient de bien ouvrir les yeux pour mieux capter le sens et le contresens des non-dits.

Indépendance illusoire et source des recruteurs
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Des milliers de vies piégées  à la dérive  en mer
En effet, nul besoin de chercher très loin la relation de cause à effet. Les sévices, les humiliations, les exactions subies sous la férule du spoliateur ne s’oublient pas du jour au lendemain. Un exemple entre mille : dans plusieurs pays libérés de l’Afrique ou du Moyen-Orient, l’ex-colon garde encore un pied à l’étrier et contrôle le pays par mercenaires interposés en portant  des coups d’état à répétition si ses désirs ne sont pas respectés à la lettre. Cette fourberie entraîne la mort, la misère, la disette…etc. Dans les replis du subconscient d’un colonisé, ou ex-colonisé, cette atteinte à sa dignité revient souvent, dans ses cauchemars, hanter son existence et celle de ses descendants,  pendant longtemps. Quand ces derniers se sentent ostracisés, incompris, marginalisés, ils deviennent des proies rêvées, à la merci des recruteurs des redresseurs de torts, des intégristes de tout poil etc…

Désinformations et mensonges
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Pour l’usurpateur, le colonisateur ou le prédateur, c’est une toute autre histoire. Après sa forfaiture, la nature va reprendre ses droits. Quand remords et doute s’installent dans son esprit, il est déterminé à faire table rase de toute logique en falsifiant les faits en sa faveur pour se donner bonne conscience et protéger sa mémoire et sa postérité contre les déferlements du tribunal de l’histoire. En guise d’exemple de falsifications, voyons plus près de nous, la rétrospective de l’histoire des Amériques ; les Indiens étaient définis comme des «mangeurs d’hommes» qu’il fallait exterminer ; l’expression, « la soupe au missionnaire » imputée au menu gastronomique des autochtones, n’a pas été colportée autour du monde pour le plaisir de la littérature culinaire, mais pour atténuer l’inhumanité des génocidaires. Les malheureux Nègres importés d’Afrique, ont été taxés de bêtes de somme, d’incapables, de biens meubles, pour mieux les déshumaniser et annihiler toutes entraves au profit d’un commerce honteux ; l’épithète de barbares accolée à toute la peuplade arabe, avant et après la croisade, à titre de justification pour s’emparer de leur terre, piller les biens et artefacts de leur culture millénaire en vue de meubler les salons et les musées de l’Europe. Il y a tant à dire…

Falsification de la mémoire
Bref, l’imposteur écrit toujours son « roman » à la porte de la légende au son « des sanglots longs/Des violons/ De l’automne1 » (Verlaine), avec, au frontispice, son «abnégation», sa «grandeur d’âme», sa «mission civilisatrice», sa «modestie» et tout le refrain connu…etc. Des expressions creuses, des qualificatifs fallacieux enrobés de miel, dont  l’écho prétentieux imprime encore un rictus amer à la face des survivants. Hollywood prend la relève pour nous en extraire un dernier filet de larmes. Puis, la bible sur mesure, laissée en héritage, contribue à boucler la boucle, en invitant les malheureux rescapés ou leurs descendants à pardonner, à oublier le génocide pour le « bonheur de l’humanité ». Ces froides mystifications, relayées par le temps, ont occulté la réalité, puis l’oubli contribue à compléter le tableau. Ainsi gavés de compassion, lisant les bons petits ouvrages innocents qu’on nous refile le temps d’une sieste, visionnant les films en bleu et rose dont le petit écran nous bombarde à longueur de journée, on va au lit sans interrogation, sans remettre en question le maquillage de l’histoire ou l’histoire elle-même tissée de fil torsadé  avec lequel les cyniques nous entortillent comme un vulgaire saucisson en se payant de notre intelligence.

Invitation à la réflexion
Attaque meurtrière à Londres près du Palais Westminster
qui a fait 4 morts le 22 mars 2017.                                       
C’est à cette démarche que cette chronique nous invite à prendre part, c'est-à-dire : à réfléchir avec perspicacité, à transcender notre enthousiasme, à voguer à l’envers de l’écrit pour mieux circonscrire la désinformation. Car, depuis des lustres, la Presse libre n’a jamais existé  pour nous en informer. Et ceci, l’inoubliable rédacteur en chef du New York Times, John Swinton, l’avait compris depuis bien longtemps. Le 26 septembre 1880, lors de son discours d’adieu du célèbre magazine, il sortit de ses gonds quand on lui proposa de  porter un toast à la liberté de la Presse. Il refusa net en évitant d’être le chantre de l’hypocrisie, en prononçant ces mots célèbres : « Le travail du journaliste est la destruction de la vérité, le mensonge patent, la perversion des faits et la manipulation.... Nous sommes les outils obéissants des Puissants et des Riches qui tirent les ficelles dans les coulisses… Nous sommes des prostituées de l’intellect. Tout cela, vous le savez aussi bien que moi ! 2 » Sa réplique cinglante qui sidéra l’assistance est restée célèbre. Jusqu’à nos jours, personne n’a jamais osé le contredire.  Or, ce ne fut pas l’unique mea culpa de la presse. On en entend de plus en plus. Près de nous en l’an 2014, Udo Ulfkotte3, un ancien rédacteur en chef d’un des plus grands quotidiens allemands de grand tirage, le Frankfurter Allgemeine Zeitung, admet qu’il a travaillé pour la CIA. « Je suis journaliste depuis environ 25 ans et on m’a appris à mentir, à trahir et à ne pas dire la vérité au public », a dit Ulfkotte dans un entretien avec la chaîne Russia Today (RT).

En dépit de tout le réveil s’avère brutal
Ce n’est pas sorcier. Tout, autour de nous, est marketing, informations et désinformations. En dépit de toutes ces circonvolutions intellectuelles, le trou du mensonge n’est jamais tout à fait imperméable. Les relents de l’histoire ont la fâcheuse tendance à refaire surface au moment le plus inattendu.
Au moins 800 morts au large des côtes lybiennes lors du
naufrage des centaines réfugiés le 19 avril 2016.               
Donc, le falsificateur a intérêt à tenir ces estropiés du destin le plus longtemps possible en hibernation virtuelle pour que l’oubli soit totalement consommé, pour que la vraie histoire échappe à leur entendement. Malheureusement, et c’est humain, la science n’a pas encore trouvé de paramètre pour obnubiler à jamais le subconscient des héritiers de ces souvenirs qui comme un volcan, se réveillent spontanément pour foudroyer, briser et détruire, sous n’importe quel prétexte, ceux qui sont désignés comme les auteurs de leur mal-être sur terre. Et c’est ce qui explique que, souvent, entre l’abnégation programmée des lointaines victimes et l’inhumanité exaspérante des bourreaux, les joints de dilatation non étanches, peuvent sauter à tout moment. C’est ce qui est arrivé aujourd’hui au pays des exploiteurs. Si on aime les fleurs et les fruits de l’arbre, il faut aussi accepter ses scories.

Solutions pour le futur
Voilà, à mon avis, l’une des quelques raisons de ces explosions multiples qui déferlent sur l’occident, via l’Afrique, le Moyen-Orient…etc. Nous devrons revoir nos priorités si nous voulons connaître la paix. Selon la formule consacrée, le monde actuel est un village global. Rien ne peut être caché comme autrefois. Tout se sait, quoiqu’on fasse. À travers les multiples fenêtres sans rideau des réseaux sociaux, l’espace d’un clic : nouvelles, commentaires et images se trouvent à la une de nos ordis, tablettes ou téléphones. Nul ne peut plus tordre le coup à l’information. Chaque citoyen est un photo-reporter. La transparence a une planète. Trouvons d’autres façons de combler nos envies de richesse spontanée, sinon la paix ne sera pour tous qu’un lointain souvenir.

Max Dorismond


Note :
1- Paul Verlaine : « Chanson d’automne ». 
2 - Source : Labor’s Untold Story, of Richard O. Boyer and Herbert M. Morais, NY, 1955/1979.)

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