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Sunday, November 27, 2016

Et si Haïti s’inspirait des réalisations cubaines


Fidel Castro 1926 - 2016
Par Max Dorismond
Vendredi soir, 25 novembre, attablé avec quelques amis dans un restaurant, au cours d’une discussion presque prémonitoire, l’île de Cuba s’est invitée à la conversation. Tout y passa, nos vacances sur l’île de Castro, l’inévitable comparaison avec Haïti etc… Sans doute, au même moment, le Líder Máximo avait déjà fermé ses yeux pour toujours.  Le monde perd ainsi une figure transcendante. Paix à son âme !

L’un de mes interlocuteurs insistait lourdement sur la vétusté des immeubles institutionnels, de la dégradation de la vie et sur tous les aspects  négatifs de la vie à Cuba. Après l’avoir écouté attentivement, je lui ai expliqué qu’à mon avis, pour comprendre Cuba, il fallait s’élever au delà de notre système capitaliste, transcender notre culture consumériste pour saisir avec objectivité les paramètres de la vie cubaine qui nous échappent.

Le père de la révoulution cubaine
En effet, nous avions, tous au départ, regardé Cuba avec les yeux du touriste néophyte. Après quelques séjours, je m’en suis fait ma propre idée.  Plusieurs Cubains, s’exprimant en français et en anglais, se font  souvent un plaisir de nous ramener sur terre. Certains, parfois, se laissent aller aux confidences et finissent par apprendre aux visiteurs maintes choses sur les us et coutumes du pays, la misère des uns, le bonheur des autres etc... Quelques-uns sont directs, d’autres utilisent des métaphores pour faire passer leurs messages, à l’exemple de notre guide qui nous contait cette blague en guise d’adieu : « Un américain était arrivé au ciel. Saint Pierre avait déroulé le tapis rouge. C’était la fête et la farniente durant une semaine : grandioses réceptions, de superbes nanas, des filles à gogo, bamboche tropicale. C’était le temps de l’insouciance. De retour sur terre, lassé de la routine habituelle, la nostalgie de ce premier séjour imposa un nouveau départ au pays du très bon Saint. Une fois là haut, c’était la chaleur étouffante de l’enfer qui devint son monde. Sans fard et sans ostentation aucune, la vie devint inacceptable. Il déposa ses griefs devant les instances concernées pour s’entendre dire que la semaine précédente, il était un touriste, maintenant, il était devenu un résident ». Paf !

Fidel et Raùl Castro
De retour sur notre sujet d’un soir, nous n’allons pas jouer à l’autruche et avons reconnu sans ambages que la période révolutionnaire a été très dure pour les Cubains. Beaucoup ont laissé leur peau.  L’île était dirigée d’une main de fer par son nouveau maître comme Haïti sous le règne des Duvalier, de 1957 à 1986. En fait, les surnoms ou quolibets, qui ont été accolés à Fidel depuis le début jusqu’à sa mort, dénotent qu’une « révolution n’est pas un lit de rose sur lequel on s’allonge pour rêver 1 ». Derrière les portes close, on le surnommait : El Loco (le fou), El Caballo (le cheval), El Payaso (le clown) et hier encore, El Coma Andante (le coma ambulant).  

Les frères Castro ont misé sur l'éducation de leur concito
yens en éradiquant l'analphabétisme.                             
Mais qu’est ce qui en est résulté, après cette meurtrissure : un pays sous perfusion, mais pas un pays affamé. Le Cubain mange à sa faim et reçoit une ration de vie à chaque quinzaine. Plusieurs maisons sont vétustes, mais personne ne dort à la belle étoile. Le soir venu, le citoyen ou le touriste peut circuler sans jeter un œil furtif par dessus son épaule. L’organisation sociale, physique et  géographique ne laisse pas à désirer. Par exemple, le passage du cyclone Matthew, bien que catastrophique, ne provoqua aucune perte de vie humaine. La question de couleur est presqu’inexistante. L’exclusion à cause de la couleur ou de la race est bannie des programmes sociaux sous peine de punition. Les mendiants sont rares, sauf à la capitale, la Havane, où j’avais croisé quelques-uns épars. Dans les autres villes ou villages, c’est une entité rarissime. Le jeune cubain d’aujourd’hui, fier et altier, instruit et polyglotte, rencontré dans les hôtels à titre d’employé, partage une autre philosophie, une autre conception de la société et du monde. Il est aux antipodes de la pression socio-économique qui nous empoisonne l’existence.  La course folle après l’argent qui fait de nous les champions incontestés de la corruption est absente de ses préoccupations quotidiennes. La concurrence individuelle, qui motive et régule notre vie, n’est pas son apanage. A preuve, j’ai rencontré dans l’arrière pays d’Haïti, en pleine campagne, quelques médecins cubains, se confondant et se métamorphosant dans le quotidien des paysans. Ils passeraient inaperçus si un bon samaritain ne les avait signalés à notre attention.  Ceci incite à réfléchir sur la portée de chaque concept. Malgré un embargo de plus de 50 années, les frères Castro ont misé sur l’éducation de leurs concitoyens en éradiquant l’analphabétisme. Un programme gratuit et obligatoire pour tous jusqu’à l’université a été instauré. Trois activités productives ont maintenu Cuba en vie : l’agriculture, la production de médicaments et le tourisme.  Pour ce dernier secteur, la sécurité et la propreté du pays aidant, les vacanciers ne se font pas prier. Les forfaits « tout compris » comblant totalement leurs besoins primaires, les touristes avisés débarquent sur l’île en masse.

Alors voilà ! A-t-on besoin d’être un adepte du communisme pour réaliser la plupart de ces programmes ? Bien sûr que non. Il suffit à tous d’éprouver un réel amour pour son pays et d’avoir la corruption en horreur. Ainsi, en s’inspirant des réalisations cubaines, Haïti pourrait offrir à ses fils une ère d’humanité, au lieu de leur payer, par cupidité, par couardise et par ignorance, un billet tout droit pour l’enfer.

Disons, non pas adieu, mais au revoir à Fidel qui nous a donné tant à voir, à réfléchir, à méditer et à comparer. Souhaitons, comme il l’espérait, que l’histoire l’absolve. 

Par Max Dorismond

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