B. B King (16 septembre 1925 - 14 mai 2015) |
Sa double initiale B. B., pour Blues Boy, lui avait été
donnée à la fin des années 1940, lorsqu’il animait un court programme
hebdomadaire dans une radio de Memphis (Tennessee). Et son nom de naissance,
King, le roi, peut être vu comme ayant été un signe favorable à son destin.
B. B. King était probablement le musicien de blues le plus célèbre
dans le monde, un « ambassadeur » du genre, selon
les termes du journaliste Sébastien Danchin dans la biographie qu’il a
consacrée au guitariste et chanteur (B. B. King, Fayard,
2003). B. B. King est mort jeudi 14 mai, à Las Vegas (Nevada), il avait été hospitalisé à la suite d’un malaise et était soigné depuis début mai à son
domicile, en raison de complications de son diabète.
B.B King, le bluesman qui aimait les femmes |
Riley Ben King est né le 16 septembre 1925 à Itta Bena, une
plantation à quelques kilomètres à l’est de la ville d’Indianola (Mississippi).
Sa mère est alors âgée de 18 ans, son père guère plus. Elle partira à
Kilmichael, à une petite centaine de kilomètres, avec son fils quatre ans plus
tard. Elevé par sa grand-mère et par sa mère, B. B. King n’a que 9 ans
lorsque cette dernière meurt. Son environnement musical est constitué de chants
de travail et du gospel qu’il entend à la maison et à l’église. En 1943, devenu
ouvrier agricole, il est appelé sous les drapeaux. Les propriétaires de
plantations ayant passé un arrangement avec l’armée pour récupérer rapidement
leurs employés, son service militaire, durant lequel il découvre le jazz, est
écourté. Avec une guitare, dont il a appris les rudiments, il commence à
chanter et à jouer dans la rue, lors de ses jours (et nuits) de congé.
B.B King, le roi du blues
En mai 1946, B. B. King part pour Memphis, décidé à
vivre dorénavant de la musique. Il aurait pu choisir de partir au sud, à New
Orleans, berceau musical du jazz, ou au nord, à Chicago, capitale du blues
urbain. Mais il n’y connaît personne, alors qu’à Memphis réside un cousin,
Bukka White (1909-1977), guitariste et chanteur. Après neuf mois, en dépit des
contacts et de l’aide de Bukka White, faute d’avoir percé, il repart travailler
sur une plantation. Puis retourne Memphis à la fin 1948. Cette fois, il trouve
un engagement quotidien dans un club et un passage hebdomadaire dans une
station de radio, WDIA, pour laquelle Il interprète deux ou trois morceaux et
des refrains pour des publicités, et annonce ses concerts à venir.
C’est peu de temps après que B. B. King va baptiser ses
guitares du nom de « Lucille ». Un soir dans un club de l’Arkansas,
une bagarre entre un homme et sa femme, prénommée Lucille, provoque un
incendie. B. B. King sort en courant, pour s’apercevoir qu’il a oublié sa
guitare, son seul instrument alors et son gagne-pain. Il retourne dans le club
en feu, récupère l’instrument. Trop heureux de ce sauvetage, il décide alors de
donner ce prénom à ses guitares. Lesquelles – des premières Fender et Gretsch
de ses débuts, au modèle ES-355 de Gibson qu’il adopta définitivement à la fin
des années 1950 – eurent droit à une composition en 1968 dans l’album du
même nom, où est racontée l’anecdote.
Jusqu’à la fin 1951, B. B. King verra grandir sa
réputation entre des concerts dans différents lieux de la ville, ses passages à
la radio et de premiers enregistrements, pour Bullett puis RPM, l’un des labels
d’une importante compagnie phonographique californienne à l’époque, Modern
Records, dirigée par les frères Bihari (Lester, Julius, Saul et Joseph). Le
succès arrive à la fin de l’année 1951, avec la parution d’une reprise par B.
B. King de Three O’Clock Blues de Lowell Fulson
(1921-1999). L’interprétation de B. B. King va rester dans le haut des
classements des meilleures ventes de disques de rhythm’n’blues durant dix-sept
semaines, dont cinq en numéro 1. B. B. King en fera l’un de ses
thèmes fétiches, le jouant régulièrement en concert et le réenregistrant à
plusieurs occasions.
B B King & Band Live at
B B King Blues Clubs Nashville & Menphis 2006
Rapidement, la fratrie Bihari, et plus particulièrement Julius,
qui va superviser dans les années qui suivent la plupart des enregistrements de
B. B. King, font repartir le guitariste et chanteur en studio. Après
quelques titres qui ne restent pas mémorables, son deuxième gros succès, à
l’automne 1952 (dix-huit semaines dans le haut des classements), You
Know I Love You, est une ballade, dans laquelle c’est la voix du
chanteur qui domine avec un accompagnement où le piano prend le pas sur la
guitare. Les producteurs de King s’efforcent de développer cette option de
crooner, mais son public reste attaché à sa part blues.
C’est généralement avec la chanson Blind Love, enregistrée
en juin 1953, que les spécialistes du blues identifient l’affirmation du
style de B. B. King à la guitare que Sébastien Danchin résume ainsi : « le
véritable prolongement de sa voix ». A cela s’ajoute une section de
vents, qui donne de l’ampleur à l’orchestre, souvent restreint dans le blues à
une rythmique pour accompagner le soliste. Cette présence des vents sera
caractéristique de la plupart des formations de B. B. King.
B.B King, est considéré comme l'un des plus grands guitaristes de tous les temps |
En 1962, après plus de dix ans avec Modern Records,
B. B. King signe avec ABC Records, filiale disque du réseau nationalde télévision et de radio. La compagnie est l’un des poids lourds du secteur.
Les directeurs artistiques d’ABC Records vont essayer de rééditer avec King la méthode qui leur a réussi avec le pianiste et chanteur Ray Charles : être
reconnu par un plus large public – comprendre le public blanc –, avec des grands orchestres de cordes, un répertoire plus policé que celui du
rhythm’n’blues. Mais pas plus que lors de tentatives similaires chez Modern,qui avait moins de moyens, cette tentative de rendre B. B. King plus
proche de la grande variété ne trouve de retentissement phonographique.
D’autant que ses concerts restent dans les grandes lignes du blues électrique
pour lequel il est apprécié. A partir du milieu des années 1960,
B. B. King retrouve sa marque de fabrique. Et, dans les années qui
suivront, il restera dans ses grandes lignes stylistiques, allant de temps à
autre piocher dans le rock ou la soul quelques éléments d’ornementation.
Eric Clapton - BB King -Crossroads 2010 - Live
Dans le même temps, il est présenté par nombre de musiciens blancs
du rock, marqués par le blues afro-américain, comme étant un musicien
d’importance et d’envergure. Jimmy Page, Eric Clapton, John Mayall ou Michael
Bloomfield (1943-1981), parmi d’autres, vantent ses mérites. Lors de la partie
américaine de leur tournée internationale en novembre 1969, les Rolling
Stones invitent Terry Reid, B. B. King et Ike & Tina Turner
à jouer en ouverture de leurs concerts. Dans son autobiographie Blues
All Around Me (Avon Books, 1996), B. B. King estime que c’est de
cette participation que date sa reconnaissance par le grand public blanc. Dès
lors, s’il a visité les moindres recoins des Etats-Unis depuis une vingtaine
d’années, B. B. King va parcourir de plus en plus régulièrement l’Europe –
ses premiers concerts en France et en Grande-Bretagne avaient eu lieu début
1968 –, l’Asie, l’Amérique du Sud, l’Océanie et, dans une moindre mesure, le
continent africain.
En décembre 1969 sortira ce qui reste son dernier grand
succès, et probablement la chanson à laquelle B. B. King est le plus
identifié, The Thrill Is Gone, composition de Rick Darnell et
Roy Hawkins qui date de 1951. Elle sort en 45-tours et figure dans l’album Completly
Well (ABC-Records). La discographie de B. B. King va prendre une
allure désormais sans grande surprise. S’y mêlent des enregistrements de
concert, dont certains lors de prestations dans des prisons, et en studio des
albums de blues avec son orchestre régulier puis de plus en plus régulièrement
à partir des années 1990 des disques avec des invités prestigieux du rock ou de
la soul ou des vedettes pop. On le retrouvera toutefois dans une approche
presque rustique dans l’album One Kind Favor (Geffen Records),
en 2008, pour lequel il recevra son dernier Grammy Award.
Au printemps 1979, comme Elton John à peu près au même moment, B. B. King
part en tournée d’une vingtaine de dates, dans l’alors encore Union des
républiques socialistes soviétiques (URSS). Pour le roi du blues comme pour la
vedette de la chanson pop, ce sont des premières. C’est lors de cette tournée,
comme le rappelle Sébastien Danchin, que B. B. King va prendre l’habitude
de lancer dans les rangs du public des médiators portant son nom gravé. Il
avait également ouvert en 1991 le B.B. King’s Blues Club, sur Beale
street, la rue du blues de Memphis. Une marque qui va se développer, avec
plusieurs autres établissements, à Los Angeles, Nashville… et le dernier en
date à Las Vegas, en 2009.
A partir de 2006, il part en tournée d’adieu.
B. B. King, ménage peu à peu ses interventions lors de ses concerts,
laissant différents musiciens de son orchestre prendre des parties solistes
plus fournies. Mais même affaibli, son jeu de guitare restait incisif et
expressif. Et toujours, dans ses costumes brillants, il se montrait attentif à
présenter un spectacle avec ses rituels, la main sur l’épaule de ses musiciens
lors de son entrée en scène, le lancer de médiator, et un grand sourire radieux
pour servir avant tout la musique, sa musique, le blues.
Son concert événement à Marciac (1997)
Adaptation : Haïti Connexion CultureSon concert événement à Marciac (1997)
Pour le vingtième anniversaire du festival de jazz de Marciac dans le Gers, la légende B.B. King est la tête d'affiche. Sur Antenne 2, le musicien, alors âgé de 71 ans, déclare son amour à la scène: «Pour moi, le patron, c'est le public. Je veux lui faire plaisir, être sûr de lui plaire et je vais travailler dur pour ça».
Son duo avec Barack Obama (2012)
L'une de ses dernières apparitions télévisuelles. En 2012, la Maison blanche organise un concert de blues en présence de Mick Jagger et de B.B. King. Et lorsque les célèbres musiciens proposent à Barack Obama de pousser la chansonnette, ce dernier ne se fait pas prier. On peut voir alors le président américain interpréter, avec B.B. King à la guitare, un grand classique du blues Sweet Home Chicago.
Source de référence :Sylvain Siclier Journaliste au service Culture du “Monde”, rubrique Musique (jazz,pop,rock,soul,chanson…)
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