Pages

Pages

Saturday, September 14, 2024

Haïti : Entre chaos et espoir, le destin d'un peuple en quête de justice

Des policiers dans des véhicules sans aucune protection

Par Jean Rico Louis


Dans la nuit du 6 au 7 juillet 2021, le président Jovenel Moïse fut assassiné dans des circonstances bien connues. Ses ennemis irréductibles s’étaient réjouis, croyant s’être débarrassés d’un chef d’État qui, selon beaucoup, était devenu un obstacle ou une menace pour leurs intérêts présents et futurs.


Depuis, Haïti est plongé dans une crise sociopolitique et économique sans précédent, comparable à celle qui suivit la chute du régime des Duvalier. Même aujourd'hui, nul ne peut dire avec certitude comment et quand cette tragédie prendra fin. En conséquence, les gangs armés se sont érigés en un véritable État dans l'État, tandis que le peuple haïtien semble avoir perdu le contrôle de son destin.


Malheureusement, le gouvernement en place après cet assassinat n’a ni la volonté ni le pouvoir d’enquêter sur les circonstances du meurtre, ni de poursuivre en justice les présumés coupables. Comme souvent dans notre histoire, ce président, mal aimé et incompris par beaucoup, a connu le même sort que le père fondateur de la nation après l’indépendance, ainsi que plusieurs autres chefs d’État qui, malgré leurs efforts sincères pour le bien-être de leur peuple, ont vu leurs sacrifices balayés par l’indifférence.


Les habitants fuient leurs maissons même à moto

Leurs efforts pour améliorer la situation tardent encore à porter leurs fruits, tout comme ceux des Gracques dans la Rome antique, ces réformateurs sociaux dont les sacrifices pour les plus démunis se sont heurtés à l'indifférence de leurs concitoyens. L’ingratitude des masses et le silence complice des véritables bénéficiaires du pouvoir n’ont été que la seule récompense pour ces hommes animés par des idéaux nobles.


Dans l’histoire universelle, les leaders qui osent rêver de justice sociale pour les plus faibles parviennent rarement à concrétiser leurs ambitions légitimes. Leur parcours, souvent marqué par des sacrifices personnels, est rarement couronné de succès. Pire encore, c'est souvent la majorité même qu'ils cherchent à aider qui les abandonne au profit de lendemains incertains.


C’est dans ce contexte d’ambitions malsaines et de luttes de pouvoir que Jovenel Moïse, naïf et téméraire, a été assassiné. Il n’avait pas saisi l’ampleur des forces en jeu et s’était obstiné à vouloir renverser l’ordre établi, sans mesurer les risques qu'il encourait.


Les instigateurs de ce coup ont peut-être tort, ou raison, mais il est légitime de se demander quel genre de peuple sommes-nous, nous autres Haïtiens. Même après 220 ans d'une histoire tragique, avons-nous ce qu'il faut pour espérer fonder un véritable État de droit, où la liberté individuelle et la justice sociale pourraient enfin devenir réalité?


Et vous, spectateurs silencieux, est-ce que votre condition de vie s’est améliorée depuis l’assassinat de ce président, mal aimé et incompris? Si ce n’est pas le cas, quelles leçons avez-vous tirées de cette tragédie nationale?


Il est indéniable que l’ignorance et la superstition restent les deux plus grands obstacles au développement d’une nation. Un peuple dirigé par des leaders corrompus et sans vision pour l’avenir ne peut que rester prisonnier de son propre malheur, même à l’ère des lumières.


La montée en puissance des gangs en Haïti, depuis l’assassinat de Jovenel Moïse, était prévisible. Elle est le reflet de l’abandon des plus démunis et du mépris pour leurs besoins fondamentaux. Croire que des êtres humains peuvent survivre sans accès à des ressources de base est une absurdité dangereuse.


L’histoire a montré que la misère extrême, l’indifférence des élites et l’absence de responsabilité des gouvernements sont les ferments de toutes les révolutions sanglantes. En Haïti, une telle issue n’est pas à écarter si la situation actuelle persiste et qu’aucun effort de redressement n'est entrepris par les gouvernements futurs en collaboration avec le secteur privé.


Les révolutions française et bolchevique ont prouvé que, malgré les efforts des régimes oppressifs pour maintenir l’ordre, nul pouvoir ne peut freiner indéfiniment la marche vers plus de justice sociale. En Haïti, les gangs armés ne sont que la manifestation visible d’un profond désespoir. Ils expriment, par leur violence, leur soif de survie et de reconnaissance.


Mais le pire est encore à venir tant que chaque secteur de la société continue d'ignorer la nécessité de lutter contre cette criminalité grandissante, ou pire, de l’alimenter. Il est temps que chacun prenne conscience de la gravité de la situation et agisse pour le bien commun.


Le redressement de notre pays ne pourra venir que de nous. Et c'est maintenant ou jamais.


Jean Rico Louis

13 septembre 2024








1 comment:

  1. Rico, ton article met en exergue une tragédie récurrente dans l'histoire d'Haïti, où les dirigeants, qu'ils soient contestés ou impopulaires, se trouvent souvent confrontés à des fins tragiques, sans qu'une justice véritable ne soit rendue. L'assassinat de Jovenel Moïse, au-delà du drame personnel, a plongé Haïti dans une crise sans précédent, révélant une fois de plus la fragilité structurelle de ses institutions.
    L'absence manifeste de volonté politique pour élucider ce crime est le reflet d'un système profondément gangréné par la corruption et l'impunité. Ce constat renforce l'idée que, malgré les changements successifs de gouvernants, les structures de pouvoir en Haïti demeurent intrinsèquement dysfonctionnelles, permettant à des forces informelles, telles que les gangs, de combler le vide laissé par l'État. L'histoire semble se répéter inexorablement, et les véritables victimes restent le peuple haïtien, pris au piège d'une spirale d'instabilité politique et d'insécurité chronique.
    Sans une réforme institutionnelle en profondeur et un engagement sincère de la part des élites pour rétablir la justice et l'ordre, il semble difficile d'entrevoir une issue favorable à cette crise.

    ReplyDelete