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Tuesday, June 22, 2021

Robert Benodin - Un phare vient de s’éteindre

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Robert Benodin

Par: Herve Gilbert

Il est de ces personnalités qui ne disparaissent jamais, tant la richesse de leur présence et de leur existence nous laissent des marques indélébiles au cours de nos interactions avec elles. Nul ne voudrait  partir avant ces personnages de sorte qu’on puisse jouir dans sa propre existence d’un brin de bonheur, d’un zeste de chaleur en leur compagnie.

C’est ainsi que la nouvelle du décès de Robert Benodin nous a tous surpris comme un éclair dans un ciel bleu. L’écrivain, le commentateur, le militant politique, le chroniqueur, le père de famille, le collaborateur, né le 8 octobre 1934, est décédé  le 10 juin 2021 à l’âge de 87 ans. Robert est un grand analyste des grands points de l’actualité qui s’en est allé. Un grand communicateur qui vient de s’effacer. Un homme d’une grande probité intellectuelle qui aura marqué qualitativement et quantitativement les chantiers de la communication à travers notamment ses judicieuses réflexions.

J'ai eu le privilège d’interagir avec cet éminent éditorialiste à la Radio Classique Inter (RCI), lors de ma fonction  comme directeur de la Programmation à cette station, entre 2001 et 2006. Bien placé pour attester de la générosité et de la grandeur d’âme de cette belle figure de l'intelligentsia haïtienne, je peux confirmer sans l’ombre d’un doute, que Haïti vient de perdre un phare, très utile dans la noirceur dans laquelle baigne notre pays aujourd’hui.

A l'époque, Il animait une émission hebdomadaire en compagnie de Hubert Labbé - dans un premier temps -   tous les vendredis soir, intitulée «Carte sur Table ».  Articulé, méticuleux, pointilleux,  observateur attentif de toute l'actualité et doté d'un extraordinaire sens du détail, la voix de Benodin, son intonation nous interpellaient. Son analyse percutante nous accaparait et ne laissait personne indifférent. Ce qui importe le plus chez Bob,  c’était l’objectivité et  la justesse de ses analyses, le poids et la substance de ses remarques. Il dégageait toujours les grandes lignes de son sujet pour notre meilleure compréhension. Bob ne se faisait pas dans la dentelle. La richesse de son vocabulaire imposait une vulgarisation enrichissante qui ne s’oublie point du jour au lendemain. Il avait le don de la communication. On le sentait dans son élément. Il était comme un poisson dans l’eau. 

Hélas, nous venons de perdre un éclectique, un faisceau de lumière qui nous était utile en terre étrangère. Après mon départ de la Radio, il continuait sur sa lancée et je le suivais  soit à Radio Classique Inter, soit à Radio Concorde du Sud de la Floride qui fut sa deuxième courroie de transmission après la cessation de RCI. Je recevais régulièrement ses rubriques via le forum de Haiti Connexion ou via mon courriel. 

Tout ceci est en ce qui a trait à son talent de broadcaster. Parlons maintenant de son talent d’écrivain  pour ceux qui n’avaient pas eu l’occasion de le lire. Bob laissait aller ses doigts sur le clavier de son ordi  pour nous informer de l’actualité nationale et internationale, dans une rubrique hebdomadaire à travers les journaux et  forums haïtiens. Là encore, son sens inné de l’analyse n’échappait  à personne. Doté d’une mémoire phénoménale, il se souvenait de tout, et le flot de l’histoire suivait son cours sans ambages tout en assurant l’édification de son lectorat dans un style clair et précis. On se souviendra toujours de sa plume alerte et généreuse. 

Il fallait s’y attendre, ce brillant cerveau ne saurait ne pas attirer les esprits éclairés de son époque. C’est ainsi qu’il fut aperçu par le professeur Leslie Manigat pour devenir membre de son mouvement politique, le RDNP. Il était une  éminence grise du parti, un maître à penser. Il publiait  de multiples articles relatifs au RDNP dans les médias et sur le Net.

Nous devons aussi rappeler que Robert Benodin fut le chef de cabinet du président Manigat durant le bref terme de ce dernier (4 mois). Les militaires putschistes l'avaient jeté en prison pendant un certain temps  lors du renversement de ce gouvernement. À sa libération,  Bob a repris le chemin de l'exil dans son fief à Chicago avant de venir s’établir à Orlando.

Le départ de Robert Benodin constitue une grande perte pour les médias sociaux haïtiens, spécialement pour Haiti Connexion Network où il était un contributeur actif. Bob va  beaucoup manquer aux anciens auditeurs de Radio Classique Inter d’Orlando, aux internautes, aux forums haïtiens. Qui va enfiler ses chaussures? Nous ne saurons le prédire. Mais ce sera une montagne à franchir pour ce potentiel candidat, car cette pointure n’est nullement universelle.

Merci encore une fois, Bob Benodin, pour votre solidarité, pour votre enseignement, votre courage, votre bonté et votre persévérance. On se reverra de l’autre côté dans la maison du père, en présence du Très Haut. 

Bob nous a joué un mauvais tour: Il est parti sans mot dire. Toutefois, pour répéter Malraux: ”Le destin n’est pas la mort, il est fait de tout ce qui impose à l’homme, la conscience de sa condition”. Donc, on se retrouvera le jour venu. Espérons !

Robert Benodin a vécu plus d'un quart de siècle ici à Orlando jusqu'à sa mort.  Mais il avait passé une bonne partie de sa vie  auparavant à Chicago où résident ses enfants, et c'est là que ses funérailles seront chantées ce jeudi 24 Juin 2021 à 1h00 pm à la 43 RD street, Chicago Illinois 60553. 

Je présente au nom de Haïti Connexion Network mes sincères condoléances à sa veuve, ses enfants, ses petits enfants et à tous les autres parents et alliés que ce deuil afflige. 

Bob!  tu as eu une vie bien remplie, que la terre te soit légère!

Herve Gilbert 

Herve Gilbert





Thursday, June 17, 2021

Sauf des élections viables peuvent stopper la « descente aux enfers » d’Haïti.

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 Un éditorial de Washington Post traduit Par Haïti Connexion Culture

Haïti est en proie à une descente aux enfers...

Ce printemps,  l'Église catholique en Haïti a averti que le pays est en proie à une « descente aux enfers ». Même si l'analyse de l'église était teintée d'hyperbole, les événements survenus par la suite avaient dissipé tous les doutes. Donc sans une aide et une pression beaucoup plus concertées de Washington et d'autres parties influentes, la spirale de la souffrance et du dysfonctionnement d’Haïti, la nation la plus pauvre de l'hémisphère occidental, ira sûrement en crescendo.

Haïti sombre dans l'anarchie la plus totale depuis 4 ans   

Les élections ne sont pas une garantie de démocratie, encore moins de bonne gouvernance, mais une chose est indiscutable : sans elles, Haïti n'a aucune chance. Au cours des quatre dernières années, le pays a été gouverné par Jovenel Moïse, un autocrate inepte qui a rendu caduque le parlement et les institutions indépendantes tout en présidant par décret, et probablement en encourageant, un système de violence des gangs urbains, de meurtres, d'enlèvements, d'extorsion et d'intimidation qui a rendu la vie intolérable pour des millions individus. En plus de cela, une nouvelle vague mortelle de covid-19 a récemment balayé le pays, dont le système de santé publique déjà branlant est débordé. Pratiquement personne n'a été vacciné contre le virus.

Aucun scénario pour améliorer Haïti en perspectives - ni pour la bonne gouvernance, ni pour une transition relativement paisible après le chaos dans les rues - n'est plausible sans des élections qui produiraient un leadership éclairé et légitime. M. Moïse a fait miroiter pour la galerie un semblant  de scrutin pour élire un parlement avec un nouveau président. Mais ce fut une manigance. Il a consacré beaucoup plus d'attention à  son référendum, déjà reporté à deux reprises, pour redessiner la constitution du pays, une entreprise probablement illégale qui n'a fait qu'envenimer la discorde politique intérieure dans un pays déjà en pleine crise.

Une délégation de l'Organisation des États américains s'est rendue en Haïti la semaine dernière, pressant M. Moïse et les partis d'opposition d'aller de l'avant avec les élections. Ce message est d'autant plus critique compte tenu des suggestions irresponsables selon lesquelles, au lieu d'un véritable vote, le pays pourrait se contenter entre-temps d'un gouvernement de transition mal défini à la fin du mandat de M. Moïse en février prochain. La dernière fois qu'Haïti a essayé cette formule, en 2016, ce qui était censé être une administration provisoire de 120 jours, avec Jocelerme Privert, a duré un an, aggravant l'instabilité et la confusion quant à l'avenir du pays.

La violence des gangs armés déplace des milliers de 
femmes et enfants dans la Capitale haïtienne.            

Une grande partie de l'anarchie actuelle est directement attribuable à M. Moïse, qui a réussi à établir ce qui équivaut à une mauvaise gestion d'un seul homme. En l'absence d'élections législatives, il a laissé le parlement haïtien sombrer dans le néant, tout en installant ses propres sbires, ses hommes de mains, comme maires, pour remplacer les élus à travers le pays. Dans un pays de 11 millions d'habitants, aucune législation ne peut être adoptée, car il reste si peu de législateurs. Si les Haïtiens ne se rendent pas aux urnes cet automne, les mandats de chacun des quelques élus restants seront expirés en février. Ce sera une recette assurée pour la pagaille.

Il y a maintenant un réel risque de totale anarchie, avec pour résultat des vagues de boat people fuyant vers des rivages plus sûrs. Les États-Unis, la France, les Nations Unies, l'OEA et d'autres parties influentes doivent agir avant que cela ne se produise. M. Moïse doit partir et être remplacé, suite à des élections libres et équitables par des éléments compétents. Les nouveaux venus ne vont certainement pas tout arranger en Haïti, mais sans cette perspective, vous pouvez parier que ce sera de mal en pis.

hg


Monday, June 14, 2021

COVID-19. - Haïti face à sa déchéance

En rouge- Les Pays qui refusent les étrangers contaminés par le virus

Par Max Dorismond 

Parfois, c’est dans la noirceur ou dans la tourmente des épreuves qu’on voit poindre la lumière sur nos erreurs. Le malheur et la souffrance sont là pour nous réveiller. Si on les reconnaît à temps, la chance de les éviter à l’avenir augmente. Ce qui est le gage d’un futur prometteur, chez l’homme sensé. C’est la situation dans laquelle trépigne notre terre natale en ces jours si sombres. 

Nous ne sommes pas prophètes, mais nous devons penser que chaque Haïtien, en ce moment lugubre, s’interroge sur la fin tragique de tous les concitoyens, connus ou inconnus, dont la disparition, sous les assauts de la Covid-19, nous assomme, à chaque ouverture d’un courriel. Où se dirige Haïti ? Est-ce une hécatombe? Dans la 1ère semaine de juin 2021, la valse des morts nous interpelle et fait frissonner. 

Entre-temps, la liste de certains riches personnages, tels des éléments de l’élite politique, des affaires ou du protestantisme, contaminés, qui attendent, en vain, un avion providentiel privé de l’étranger, pour un transfert dans un hôpital outre-mer, nous laisse songeurs et suscite des interrogations. 

Pourquoi n’avons-nous pas hérité d’une institution sanitaire viable dans le pays ? L’île de Cuba, croulant sous un sauvage embargo depuis 60 ans, à quelques encablures de nos côtes, nous fait la leçon avec ses hôpitaux avant-gardistes et la découverte surprenante de deux vaccins anti-Covid aux noms surréalistes : Abdala et Soberana. Nous, notre devise, c’est de voler, piller, ruiner, jouer aux fanfarons, toujours agrippés à la remorque de l’obole internationale. Souhaitons simplement que les vaccins à recevoir à titre de dons ne s’écoulent au marché noir. 

Néanmoins, cette pandémie, sans trompette, appelle à la raison. Les pays limitrophes ont tendance à fermer leurs frontières, même pour leurs ressortissants surpris ailleurs. Le virus est insaisissable. Ce n’est pas de l’égoïsme crasse, mais la loi du bon sens qui impose aujourd’hui sa rigueur et s’applique sans aucune commisération. Tous ont l’obligation de protéger leur territoire contre l’assaut du fléau. À titre d’exemple, « Tous les voyageurs âgés de plus de 5 ans qui désirent rentrer au Canada, quelle que soit leur citoyenneté, doivent fournir un résultat négatif à un test moléculaire de la Covid-19 ». C’est la loi ! Dura lex sed lex!

Or, c’est aussi dans l’épreuve qu’on regarde défiler, sur l’écran noir de la réflexion, la liste de nos stupidités qui faisaient hier la fierté de nos frivolités dans l’illusion qui sécurise. Une culture de diversion pour scinder la nation en deux catégories a été appliquée par certains clans : les instruits et les analphabètes, les riches et les pauvres. Cette division séculaire fut supportée dans son essence par une distanciation sociétale des plus saugrenues. Pour la perpétuer et la consolider, aucune école sérieuse, digne de ce nom, n’a été construite dans l’arrière-pays.  Les paysans, la force vive de la nation, ont été exploités, trompés, discriminés sans vergogne et laissés à eux-mêmes. 

L’analphabétisme rébarbatif chez 95% de nos congénères en est une des conséquences délirantes, qui ont plombé notre développement et toute conscience sociale. L’apartheid sectoriel entre frères de sang a engendré des écarts déroutants. Le pillage irrationnel du pays sous toutes les coutures ne souffre d’aucun complexe. Les coffres-forts personnels débordent de fric et l’absence de toutes infrastructures sanitaires pour des soins minimaux, sont deux autres corollaires de notre légèreté qui a pour résultat, citant Boucar Diouf, de créer « un empire qui vacille sous le poids des divisions, des réclusions identitaires et des haines croisées ». 

La satisfaction dégoûtante et égoïste de se faire toujours soigner à l’étranger, via cette richesse occulte cumulée, s’avère être la norme. Le laisser-faire, le « laisser-grennen » en raison de la vie de pacha déjà planifiée à se la couler douce en pays tiers, avait limité notre vision du futur, au point d’être surpris les culottes baissées par les aléas du destin, par ce virus à couronne, inattendu. 

Le refus de l’étranger de recevoir les riches contaminés, malgré leur fortune, leurs mirobolants placements sur son territoire, leur visa d’entrée, invite à une remise en question. Une interrogation sonore résonne au loin et vient « rebrasser » les cartes de l’incongruité en balayant d’un tour de main les fausses certitudes, les fallacieuses attentes, à savoir qu’étant riches à l’image du Blanc, nous serons acceptés chez eux, sans ambages, quoi qu’il advienne. 

Le fruit du remords, même amer, doit nourrir le futur de la nation

Nous ne souhaitons la mort de personne. Au contraire, nous prions le ciel pour leur prompt rétablissement, car l’homme blessé, ragaillardi, en se souvenant d’avoir frôlé l’inévitable, va s’arranger pour annuler la répétition du mal, surtout s’il avait erré par stupidité. Il se trouve dans l’obligation d’y remédier, sauf s’il est un cancre à lier. Même les animaux apprennent par l’exemple pour ne pas se heurter une autre fois au mur de la réalité. 

Ainsi naîtra la chance de la rédemption, de la résurrection d’Haïti, suite à un virage à 180 degrés de ces rêveurs impénitents qui vivaient dans le déni constant, dans la noirceur visqueuse de leur entêtement dans leur folie de grandeur, entraînant une nation entière dans la déchéance et dans la turpitude.           

Offrez-leur, surtout, l’occasion de se remettre à flot, de se reconstruire spirituellement, car l’homme est le forgeron de son destin. En ayant appris de leur légèreté, ils sont condamnés demain à conduire la société haïtienne vers l’union, la prospérité et le bien-être collectif, en étant frères avant toute chose. Quoiqu’on en dise, pour citer Anténor Firmin, « Un pays ne peut pas vivre définitivement sous l’empire de la misère et de la tyrannie ».

Max Dorismond


 



Thursday, June 3, 2021

NOUS NE REVERRONS PLUS NOTRE MÀXIMO ROUMER!

Première de deux parties

Par Eddy Cavé,

Ottawa, le 3 juin 2019

Maxime Roumer

Si les Cubains appelaient Fidel Castro le  Máximo líder de la Révolution, nous avions, nous aussi, dans la Grand’Anse notre Don Máximo, nom de famille Roumer. Un grand bonhomme d’une extraordinaire simplicité qui a été l’âme de la coopération haïtiano-cubaine dans les domaines de la santé, de  l’éducation et de l’énergie. En plus d’être la conscience de sa ville et de sa génération.

Simple coïncidence ou prédestination, Maxime portait bien son prénom, qui  était aussi celui d’un oncle généralement considéré comme le leader, le plus attachant et le mieux formé des sept fils de Léopold Roumer père : Numa, Vidal, Eugène,  Émile, Yves, ce Maxime-là et Antoine, son père.  Enfant, sa sœur Mathé l’appelait aussi « Máximo  Gomez », son homonyme et héros de la guerre d’indépendance de Cuba. Toujours par coïncidence, notre Maxime Roumer naît le 12  mai 1950, soit deux jours après le renversement de Dumarsais Estimé par une junte présidée par le général Franck Lavaud, qui se trouve être le frère aîné de sa mère Denise Lavaud.

Mentionnons au passage que le président déchu était rentré à Jérémie un mois plus tôt pour inaugurer le pont suspendu sur la Grand’Anse qu’il avait logé chez Nono Lavaud, un autre frère de sa mère. Maxime aura donc bien raison quand il dira en interview que la politique était un des sujets de conversation favoris dans sa famille. Le fait qu’il ait été fignoliste  à 7 ans annonçait déjà ses couleurs.

Dès le plus jeune âge, Maxime va se signaler comme un enfant différent des autres. Par sa grande taille, sa nonchalance apparente, sa vivacité d’esprit, sa passion pour la mer, la nature, la lecture, son penchant pour la solitude, il se distinguera de la plupart de ses camarades de promotion. À l’âge adulte, il deviendra un éducateur compétent, une  personnalité politique respectée, un militant communautaire exemplaire. Et par-dessus tout un ami généreux, serviable, poussant jusqu’à l’abnégation l’amour de son coin de pays, la Grand’Anse.

La comparaison avec Fidel Castro n’a rien d’une exagération si l’on pense que l’agence  de presse Prensa Latina exprimait la même idée dans le communiqué annonçant son décès. Reprenant un commentaire de l’ex-présidente de l’Association des résidents cubains d’Haïti, Etna  Sigue, le communiqué disait en essence que Maxime Roumer  « était  du même style que                                " notre Fidel et  qu’il n’y avait dans ses projets aucun désir de profit, mais l'ambition de faire avancer le peuple d'Haïti, en particulier la région de Grand'Anse ».

Rectorat de l'UNOGA à Décadé, près de Jérémie

Du concert de louanges et d’éloges déclenché par sa disparition soudaine, je retiens au hasard quelques-uns des témoignages les plus frappants. Frantz Duval, le rédacteur en chef du Nouvelliste, a souligné les compétences et les traits marquants de la personnalité de son ancien professeur, qui était devenu un ami.  La romancière Yanick Lahens avouait que ce départ soudain l’avait laissée sans voix et qu’elle ne trouvait pas de mots pour exprimer sa tristesse.  De son côté, l’ancien président du Sénat Kelly Bastien évoquait les excellents souvenirs qu’il gardait de sa collaboration avec ce parlementaire du Sud du pays. Quant à Nadine Magloire, dont le franc-parler est bien connu dans le monde des lettres, elle déplorait d’avoir découvert Maxime Roumer en même temps qu’elle apprenait sa mort. Le peu qu’elle avait ainsi appris de lui justifiait de sa part  un jugement très favorable, ce qui n’est pas peu dire. 

Dans les rangs des anciens amis de Paris, des bénévoles de l’Université Nouvelle Grand’Anse (UNOGA) à laquelle Maxime  a consacré la dernière tranche de sa vie,  comme dans les médias sociaux, c’est un peu la désolation, une inquiétude à peine contenue. Marina Gourgues et Raymond Kernizan s’inquiètent un peu au sujet de la future direction de cette institution si prometteuse. Dans les médias sociaux, c’est Alter Presse qui a levé la marche, et  Hervé Gilbert  pleure encore l’effondrement du dernier rempart dressé à ses yeux contre l’indifférence et l’obscurantisme « en Grand’Anse », pour parler comme Pierre Chavenet. 

L’avenir de l’UNOGA

Sur le terrain, les choses sont pour moi beaucoup moins graves qu’elles paraissaient au premier abord et qu’elles paraissent encore de loin. D’une part, Maxime déléguait beaucoup, de sorte que le personnel affecté à l’administration et à l’enseignement s’acquittait déjà de ses tâches avec compétence, dévouement et enthousiasme. Ces collaborateurs n’auront donc qu’à continuer sur la voie déjà tracée. D’autre part, Maxime avait visé juste en misant sur des cadres formés sur place et venant en grande partie  de la région. En outre, la composition très diversifiée du Conseil d’administration de 23 membres, bien que lourde à gérer, est en soi un motif d’espoir.

Reste la question du financement externe, de la collaboration des experts venant de l’étranger et des tâches de relations publiques. Ici encore tous les espoirs sont permis. Déjà, sa cousine Virginie Lavaud qui, de Paris, communiquait avec lui presque tous les jours, a relancé, conjointement avec son mari Paul Amazan, les amis, les  bénévoles et les sponsors, et leur SOS a été entendu. De Paris également, Raymond Kernizan, qui a déjà fait le pèlerinage à Décadé pour animer un séminaire, est du nombre des amis de l’UNOGA qui examinent les différentes manières possibles de renforcer l’institution.  D’Ottawa où je vis, je m’inscris comme soldat dans la croisade qu’il faudra entreprendre pour assurer la survie de l’UNOGA et l’aider à franchir de nouveaux sommets, tout en protégeant son fondateur des risques de l’oubli.

En résumé, tous ceux et celles qui ont connu Maxime se souviendront de son engagement de militant de gauche, de son désintéressement, de son intégrité et du fait qu’il a été toute sa vie  un homme de conviction. Deux bémols relevés dans le concert des éloges : le maigre héritage législatif qu’il a laissé au terme de trois mandats au Sénat  et son appartenance à un parti politique local qui n’a pas laissé que de bons souvenirs.

Exercices pratiques et Salle de cours du campus de Décadé

Maintenant que le colosse s’est effondré, il faut penser aux funérailles. En temps normal, le Máximo aurait eu  des obsèques de l’ordre de grandeur de celles que Jérémie a offertes dans le passé à ses oncles Nono Lavaud et Émile Roumer. Papa Nono, du côté maternel, et Mèt Emil, du côté paternel. Dans le contexte de la COVID, la famille a opté, par la voix de sa sœur aînée Marie-Thérèse et de son frère cadet Léopold, pour la protection de la population. Elle voulait procéder dans un premier temps à l’inhumation, de la manière la plus sécuritaire possible pour tous et pour toutes, ce qui a été fait en cette matinée du jeudi 3 juin en cours. Les funérailles et autres  cérémonies de célébration de la vie auront lieu lorsque tout danger de contamination aura été écarté.

De toute façon, nous ne reverrons plus notre Máximo déambuler nonchalamment dans sa splendeur de géant sur les sentiers de Bordes, de Rochasse ou de Calas. La tête dans les nuages, les pieds dans la poussière, à la recherche d’une nouvelle variété de roses...

J’adresse mes condoléances les plus sincères à tous les membres de la famille, en particulier à Mathé, à Léo, à Virginie et à son époux Paul Amazan; à ses enfants Palanka, Mileva et Christophe; à tous les membres du personnel de l’UNOGA, qui se sont réveillés brusquement orphelins dans la matinée du vendredi 28 mai écoulé. Aux centaines d’amis qui ont nagé avec lui dans la rade de Jérémie; joué au volleyball avec lui sur des cours de récréation; gratté la guitare en sa compagnie partout où la fête ne tournait pas à la débauche; mangé la vache enragée avec lui dans le Quartier latin… Impossible d’oublier ici son frère de combat Maxon Charlier, dont la fille Vélina a repris le flambeau de la lutte pour la récupération des fonds dilapidés de PetroCaribe.  Impossible aussi  de passer sous silence les centaines de militants de gauche avec qui il a frôlé la mort et la torture sous la dictature, ainsi que l’armée de bénévoles avec qui il a conçu et réalisé le rêve grandiose de doter la Grand’Anse d’une université communautaire autonome plantée au cœur de l’arrière-pays…

Máximo, tu es parti, mais tu vivras toujours dans nos cœurs.

Eddy

Continuez dans la deuxième partie...

 

ADIOS DON MÀXIMO!

DEUXIÈME  PARTIE
Dans la première partie, nous avons évoqué la consternation que la disparition soudaine de l’ex-sénateur Maxime Roumer a suscitée dans la société haïtienne. Cette deuxième partie vise à faire connaître certains des aspects plus intimes de la vie de ce héros d’un genre très particulier.

Qui était  Maxime Roumer?

Maxime et sa soeur Mathé

Bien que les caprices de l’émigration et des études à l’étranger nous aient séparés,  Maxime et moi, depuis plus de 50 ans, nous sommes restés assez proches l’un de l’autre pour que je puisse tenter de retracer son parcours avec de bonnes chances d’y parvenir. 

Né à Jérémie en 1950 de mère Lavaud  et de père Roumer, Maxime portait en lui les gènes de ces deux familles. Sans avoir jamais eu les moyens financiers de son oncle Nono Lavaud, le seigneur de Nan Goudwon, il en avait la générosité et, comme lui,  il cultiva toute sa vie l’amour des autres. Des Roumer, il tenait le goût des lettres, l’amour de la mer, la passion des arts. Maxime portait tout cela en lui et  il devient par les vertus combinées de l’exemple et de l’éducation une agréable synthèse de ces deux lignées. 

J’ai consacré à Nono Lavaud des pages entières du tome 1er de De mémoire de Jérémien  où je retrouve un grand nombre de traits de caractère et de comportement similaires à ceux de Maxime, notamment la conception du patron bon père de famille; la générosité, la conscience de la solidarité, nécessaire dans les principes  mais inexistante dans la réalité,  entre le patronat, la classe ouvrière et la paysannerie. De même, le chapitre du tome 2 relatif à Émile Roumer nous montre, à travers la vie, l’œuvre et les confidences du poète un anticonformiste, un socialiste chrétien,  anarcho sur les bords, et un anti-américain viscéral. Selon toutes les apparences, Maxime était une synthèse de ces deux oncles.

Entré  à l’École Frère Paulin de Jérémie à 5 ans, Maxime se rend compte rapidement qu’il grandit plus vite que ses condisciples et il prend l’habitude de se courber le dos pour paraître moins grand.  Il gardera cette posture toute la vie. Au début, c’est un élève comme les autres, ni surdoué ni lourdaud, mais au fil des années, il souffre d’une telle fatigue qu’on le garde à la maison le vendredi. Comme il apprend très vite, ces journées perdues seront vite rattrapées. On finira par découvrir qu’il grandissait trop vite, ce qui entraînait une carence de vitamines.

Sa haute taille lui confère un avantage marqué au volleyball. Jeanhérold Cayemitte se souvient qu’il retournait toutes les balles aériennes, mais sa véritable passion était la mer. Il est encore au primaire quand il confectionne son propre pipirit sur lequel il passe des heures les jours de congé. Fils de  dayiva et dayiva lui-même, il s’aventure dans la mer jusqu’à perte de vue, mais cela n’inquiète nullement les parents dont la cour arrière donne directement sur l’océan. Ils savent qu’il reviendra. D’autant plus qu’il suit en cela l’exemple de son père pour qui la natation est une sorte de raison de vivre. Réveillé très tôt le matin, Antoine Roumer se jetait à l’eau, nageait jusqu’à l’embouchure de la Grand’Anse et remontait souvent le fleuve jusqu’au pont. Il était de notoriété publique à Jérémie qu’il avait traversé la Tamise à la nage quand il étudiait en Angleterre.        

C’est dans ces aventures d’apprenti marin que se sont développés chez lui l’habitude de la solitude, le mépris du danger et un amour inconditionnel de la liberté. Au Collège Saint-Louis  où il fait son secondaire, il suit son chemin sans faire de vagues et gratte la guitare pour se distraire. Cela l’aidera à s’intégrer aux jeunes de son quartier quand il rentrera à Port-au-Prince pour sa philo. Là, il se lie d’amitié avec Boulot Valcourt, Ansy Dérose et avec les écrivains de gauche engagés dans la lutte contre la dictature. Avec son cousin Maxon Charlier, il milite dans des mouvements politiques clandestins et échappe comme par miracle à l’arrestation et à la torture.

Maxime posant avec son beau-frère

Voilà pour la tranche la moins connue de sa vie d’homme public. Ses études secondaires terminées,  il entre à la Faculté de Droit et de Sciences Économiques,  s’inscrit à l’INAGHEI et au Centre de formation des statisticiens (CEFORS) et décroche les trois diplômes presque en même temps. Il commence alors une carrière à l’Institut Haïtien de statistique et d’informatique et ne tarde pas à accéder au poste de chef de la section des calculs.

Au début des années 1970, il sort lauréat d’un concours organisé par l’ambassade de France pour l’octroi d’une bourse d’études du Quai d’Orsay et part pour l’étranger. Il y restera 15 ans et ne reviendra qu’en 1987, après le renversement de la dictature. Cette tranche de sa vie aura été décisive dans le façonnement de sa personnalité. Il combine études et travail,  militantisme politique et activités communautaires et il vit pleinement sa philosophie du partage. Les portes de son minuscule appartement sont toujours ouvertes aux compatriotes dans le besoin,  étudiants, sans-papiers, militants de toutes les nobles causes. Il doit alors compléter son traitement de professeur et se trouver un emploi de nuit, celui de  concierge dans un petit hôtel de la région parisienne. Ses compagnons de lutte sont alors Ulrick Joly, Gérard Campfort, Gérard Aubourg, Lucien Baron et les autres militants qui créeront plus tard la revue Pour Haïti.

Quand Maxime rentre au pays en 1987, il enseigne à l’Université et il participe à tous les combats menés pour l’instauration d’un ordre nouveau.  Les témoignages relatés dans la première partie de l’article en disent suffisamment sur cette tranche de sa vie pour que nous n’ayons pas à y revenir. De même, les activités politiques de cet ancien trotskiste dans la Grand’Anse et ses mandats au Sénat ont été très médiatisés et sont  donc bien connus du public.

Cet homme de pensée et d’action était aussi un artiste né. Avec sa sœur Mathé, il s’essaie très tôt au dessin et ajoutera par la suite les couleurs à sa production. La peinture lui tiendra lieu de refuge durant toute sa vie d’adulte, et très peu de gens savent que, lorsqu’il courait les vernissages à Port-au-Prince, il ne le faisait pas en dilettante, mais en artiste-peintre et en connaisseur. Cet aspect de sa vie et de ses activités n’a pas échappé au très perspicace chroniqueur et écrivain  Pierre-Raymond Dumas qui voyait en lui un « Jérémien pur-sang ». Dans un article paru dans Le Nouvelliste du 4 mars  2015, Dumas écrivait : 

« Maxime Roumer, le sénateur, qui s’ennuie d’habitude entre une séance à huis clos et une audition ministérielle, est plus artiste qu’il ne le paraît. Partout, comme on le sait, il s’instruit, réfléchit, discute, étudie, tout en érudition et en finesse. Son travail, sporadique et saccadé, de «faux-vrai» peintre du dimanche, lui permet de raconter l’histoire de son pays sous la forme d’une tragi-comédie d’une incandescente drôlerie. »

Place des Bustes
Jean Briere, Émile Roumer, Etzer Vilaire

Retiré de la politique, il s’occupe au tournant du millénaire de la formation technique et professionnelle des jeunes de son département, de la mise en place d’une infrastructure agricole et industrielle et de conscientisation et d’émulation socialiste. Il a gagné la première manche de cette partie si l’on en juge par la manifestation de sympathie colossale organisée le 12 mai dernier pour célébrer son 71e  anniversaire et par les projets grandioses que ses amis et collègues désirent mettre en œuvre dans les années à venir, notamment pour sauvegarder son héritage culturel.

Comme passe-temps, Maxime a lutté ces derniers temps pour l’embellissement de sa ville menacée de décrépitude et d’abandon par le laisser-aller caractéristique de la nouvelle vision du pays. Dans cet ordre d’idées, il a obtenu de la Mairie qu’elle aménage à l’entrée de Bordes la charmante petite place ci-dessus honorant la mémoire de  trois grands noms de la littérature de la ville et du pays : Jean Brierre, Émile Roumer et Etzer Vilaire.

Au moment de te dire adieu, Maxime, seul  me vient à l’esprit ce mot célèbre du marquis de Pastoret  gravé sur le fronton du Panthéon : « Aux grands hommes, la patrie reconnaissante. »

Eddy Cavé    


Wednesday, June 2, 2021

De la distinction incontournable entre phonétique et phonologie

Hugues Saint-Fort

Je voudrais revenir aujourd’hui sur une distinction fondamentale en linguistique que j’ai mentionnée récemment mais sur laquelle je n’ai pas insisté. C’est une distinction capitale qui est au cœur d’une branche essentielle de la linguistique : la distinction entre la phonétique et la phonologie. Dans les classes d’introduction à la linguistique, les profs consacrent parfois un temps relativement long à cette distinction car elle est particulièrement importante. Aussi, quand dernièrement, quelqu’un sur les forums haïtiens s’est mis en tête de douter qu’il puisse exister une distinction claire et nette entre ces deux concepts, je dois dire que cela m’a fait de la peine, même si finalement cela ne m’étonne pas du tout que ce soit cette personne qui ait émis une telle opinion. Après tout, cette personne est un habitué de ce genre d’affirmations complètement insensées, hélas !

Prenons deux exemples clairs, l’un tiré de la langue créole haïtienne (kreyòl), l’autre tiré de la langue française. Prenons le cas d’un locuteur français natif qui entend le mot « billet » prononcé avec un « é », (ce qui se transcrirait comme suit dans l’Alphabet Phonétique International : [bije]). Mais, quelques instants plus tard, ce même locuteur entend le même mot « billet » prononcé cette fois avec un « è», ce qui se transcrirait alors comme suit, toujours dans l’Alphabet Phonétique International [bijɛ]. Vraisemblablement, ce locuteur français natif ne réagira pas à la différence. En effet, nous savons que les variations de prononciation enregistrées sur un mot sont généralement ignorées par les locuteurs tant qu’elles ne constituent pas une barrière à la compréhension et donc à la communication. Et même si on a appris à ce locuteur natif que la prononciation normée est la seconde [bijɛ], il hausserait les épaules car cette norme ne jouerait qu’un rôle secondaire dans la conversation.

Voici maintenant un second exemple. Supposons qu’un locuteur natif du créole haïtien entende le mot créole «bwɛ », ce qui se transcrirait comme suit dans l’Alphabet Phonétique International [ bwɛ] prononcé avec la semi-voyelle ou semi-consonne [w]. Mais, quelques instants plus tard, ce même locuteur entend le mot « bwɛ », prononcé cette fois avec un « r », ce qui se transcrirait comme suit, toujours dans l’Alphabet Phonétique International [brɛ]. Vraisemblablement, ce locuteur natif du créole haïtien ne réagira pas à la différence malgré la variation de prononciation.

Il en irait tout autrement si l’on remplaçait [a] par [e] dans un mot tel que « lajè » qui deviendrait alors « lejè ». On serait alors en présence de deux mots différents et le message serait alors tout à fait différent. C’est en raisonnant ainsi que le linguiste repère dans une langue donnée un certain nombre de traits qui possèdent une fonction distinctive et assurent la compréhension du sens propre au message. Nous sommes ici au cœur de la distinction centrale entre la phonétique et la phonologie. Chez les linguistes, la phonétique est la science qui s’occupe de la production du son (articulation), de l’aspect physique de cette production (acoustique) et de son mode de réception (audition). Certains linguistes pensent que, à proprement parler, la phonétique devrait être une science physique. Un linguiste peut faire une description des voyelles et des consonnes du français par exemple, ou du créole, sous l’angle de leur articulation. Ce sera alors une étude phonétique. Par contre, la phonologie étudie le rôle des sons dans le système linguistique, c’est-à-dire qu’elle s’attache à trouver l’utilité des sons que le phonéticien a décrits pour le fonctionnement de la langue.

Le phonologue fait l’inventaire des phonèmes de la langue. Les phonèmes constituent les sons fonctionnels indispensables à la compréhension linguistique, c’est-à-dire les voyelles et les consonnes. Puis, le phonologue définit leurs règles de combinaison, leur fonctionnement dans la langue. Quand le son est envisagé phonétiquement, il s’écrit entre crochets [ ] mais il sera mis entre barres obliques /  /, s’il s’agit d’un phonème, c’est-à-dire un son envisagé d’un point de vue linguistique, fonctionnel, en phonologie.

Les sons sont en nombre élevé dans l’ensemble des langues humaines, mais les phonèmes d’une langue sont en nombre limité. On a dit que les langues du monde (il y en a environ entre 6.500 et 7.000) comportent entre 10 et 100 phonèmes environ, avec une moyenne de 33. Parmi les langues qui sont parlées en Haïti, le français comporte 36 phonèmes, le créole 32, l’anglais 46, l’espagnol 32. Je rappelle une fois de plus que, en raison de la correspondance biunivoque dans l’orthographe du créole haïtien, cela veut dire qu’un son correspond à une seule lettre et inversement, il y a 32 sons en créole haïtien, et également 32 lettres. On ne trouve pas cette correspondance biunivoque en français où il y a 26 lettres (graphèmes) dans l’alphabet, mais 36 sons (phonèmes).

Dans l’ouvrage classique de Genouvrier-Peytard  « Linguistique et enseignement du français » (1970), le phonème est défini comme étant « l’unité minimale pertinente d’une langue donnée ». Cela veut dire que « le phonème est la plus petite unité de son capable de produire un changement de sens par simple commutation, sans avoir de sens par lui-même » (p.37).

Pour terminer, voici comment les professeurs Joaquim Brandao de Carvalho, Noël Nguyen et Sophie Wauquier, dans leur livre à succès, « Comprendre la phonologie » (PUF 2010) résument la distinction entre la phonétique et la phonologie :

« On peut distinguer phonologie et phonétique. Toutes deux ont pour objet l’étude scientifique des sons du langage. Mais alors que la phonétique va s’attacher à décrire l’émission des sons (les contraintes neuro-motrices et articulatoires qui permettent la production des sons de la parole), la perception des sons (les contraintes psycho-acoustiques qui permettent la perception de la parole) et la nature physique des sons (les caractéristiques acoustiques qui en font tel ou tel son de la parole), la phonologie étudie les objets sonores et leurs comportements en tant qu’ils sont les pièces d’une structure sonore organisée, « une grammaire », « un système », représentés par une langue donnée, le français par exemple, dont le locuteur-auditeur doit avoir une connaissance interne pour pouvoir communiquer » (p.22).

Avant de conclure, je voudrais signaler l’excellent article sur le même thème, intitulé « Fonetik pa menm ak fonolojik » écrit il y a 40 ans par l’un des linguistes haïtiens les plus connus, le regretté Yves Dejean, récemment décédé, dans la revue Sèl, Jounal Ayisyen aletranje, ane 8, nimewo 48-49, desanm 1980.

 

 Hugues Saint-Fort

 

New York, juin 2021       


Tuesday, June 1, 2021

Un réseau de laboratoires scientifiques pour le nord d’Haïti

Peut-être, pour le prochain virus prévu. Haïti aura un ou deux mots à dire 
          

Par Max Dorismond

Suis-je en train de rêver comme d’habitude ? Telle est la question d’un éventuel lecteur à la vision de l’objet en titre. Étant un vieux de la vieille, comprenant sa stupéfaction, je résume son étonnement pour certains, en « parlant d’un temps que les moins de (40) ans ne sauraient connaître », en parodiant mon chanteur de prédilection.

En effet, j’ignore combien de laboratoires fonctionnent dans les écoles et universités de chez nous aujourd’hui, mais j’estime qu’il en existe plus d’un par rapport aux années de l’obscurantisme, de 1940 à 1970.

Pour l’anecdote, savez-vous que, dans ces années suscitées, beaucoup d’étudiants, surtout en province, n’avaient jamais fréquenté une bibliothèque, de la maternelle à la classe terminale ? Leur apprentissage de la langue de Molière ou de la science était confiné dans les livres scolaires reçus, ou dans les notes de cours, dictées par l’enseignant, écrites quotidiennement. Allez voir pour un réel laboratoire technique.

Autant vous dire que, parvenus à l’étranger, certains boursiers haïtiens devaient gravir toute une montagne à la recherche de la « p’tite pipe », quand le professeur leur demandait de se servir de la « pipette » pour une première expérience à vie en laboratoire. C’est à se tordre de rire ! 

Oui, hélas, plusieurs « Péteurs de têtes1 », qui se tapent les bretelles aujourd’hui, faisaient allègrement rire d’eux, sous cape, par leurs nouveaux camarades, qui reconnaissaient plus tard que ces gars, venus de nulle part à première vue, maladroits, gauches et dépassés, étaient vraiment des génies, en raison de leur rapide accoutumance et leur performance académique, au fil des sessions.

Étant un sympathisant de GRAHN , j’avais reçu une note du Professeur Samuel Pierre PhD-FIC, en rapport à son projet phare, PIGRAN, de doter le nord d’Haïti d’un système d’enseignement d’où émergera un Haïtien nouveau, non individualiste, avec la culture du bien commun en héritage. Pour consolider le plan, un réseau de laboratoires multifonctionnels est envisagé pour coiffer l’œuvre du GRAHN et transiter de la théorie à la pratique aux fins de rompre avec notre passé de petits perroquets savants. 

Ayant une foi absolue dans la vision de ce Think-Tank, j’ai jugé nécessaire d’apporter mon humble pierre en diffusant sur WhatsApp, la nouvelle du projet et la liste des besoins exprimés. J’ai reçu immédiatement une note intéressante du Dr Carl Gilbert de Haïti Connexion Network (avec ses 1 650 000 lecteurs et plus) et du Dr Laurent-Pierre Philippe de « Konbit-Reengineering-Haïti », manifestant leur intérêt pour le projet. 

Encouragé par leurs commentaires chaleureux, j’ai décidé de sortir du cadre des sympathiques membres, les Grahnules, pour exposer l’idée au grand public, en rédigeant ce texte et en divulguant ci-dessous un résumé des besoins et la liste des matériels et des équipements recherchés par GRAHN et ISTEAH , si, par hasard, le cœur vous dit de barioler les souvenirs du passé en contribuant, à votre tour, à l’édification de ce rêve pour forcer les portes de la modernité comme c’est arrivé aux Indes et en Thaïlande, etc.

-  Le projet selon un résumé du Prof. Samuel Pierre PhD-FIC -

L’objectif principal de ce plan est de concevoir, de mettre en place et d’exploiter un laboratoire multifonctionnel pouvant servir de rampe de lancement à l’établissement de laboratoires d’enseignement et de recherche dans les domaines de la science : biologie et sciences de la vie, chimie, physique, sciences de la terre et de l’atmosphère. 

De manière plus spécifique, ce projet vise à court et moyen termes à :

·Mettre au point un concept de laboratoire multifonctionnel destiné dans un premier temps à l’enseignement des sciences de base dans les programmes de formation destinés aux enseignants du secondaire et du premier cycle universitaire au pays;

·Identifier des partenaires nationaux et internationaux pouvant nous fournir gratuitement le matériel physique et pédagogique nécessaire à l’équipement et l’exploitation de ce laboratoire ainsi que l’assistance technique au démarrage;

·Faire évoluer ce laboratoire multifonctionnel en un réseau de laboratoires spécifiques dédiés à l’enseignement et à la recherche.

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Pour vous donner une meilleure idée des multiples besoins de ce réseau de laboratoires, ayez l’amabilité de cliquer sur la présente indication entre parenthèses ( Le lien du spreadsheet )  et voir, dans la liste si, toutefois, vous possédez dans vos placards quelques instruments ou matériels didactiques utiles qui feraient le bonheur des futurs apprenants. 

Max Dorismond


NOTE

1 – « Péteurs de têtes » : Expression du terroir - Se dit de quelqu’un qui s’illusionne, qui se prend pour le pape sur terre.