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Friday, May 15, 2020

Monologues du pénis, avant ceux du vagin

Les  demoiselles d'Avignon de Pablo Picasso
J’imagine le drame de Picasso qui a écrit, en 1941, une pièce de théâtre inconnue du grand public ː « Le Désir attrapé par la queue ». Une œuvre littéraire tuée par sa peinture, avec l´arme du pinceau. Crime de lèse-créativité picturale qui l´a peut-être sauvé de la critique religieuse la plus virulente à l’époque, puisque cette œuvre surréaliste, genre « dada », est d´une telle impudicité qu´elle deviendrait peu catholique sur les planches européennes jusque-là censurées par la pensée religieuse. Cette pièce réunissait sur scène à l’époque,  Max Jacob, Salvador Dali, Jacques Prévert, Guillaume Apollinaire, André Breton, Gertrude Stein, Alice Toklas et Zanie Aubier. Picasso voulait même que certaines scènes soient jouées nues, juste pour mettre à l’épreuve la pudeur de certains acteurs et aussi, en bon adepte du surréaliste, provoquer les esprits puritains. Salvador Dali était du genre à se mettre à poil avant les autres.
Jusqu’en 1978 au Québec, j’ai vu quel genre de guerre l’Église avait mené contre Denise Boucher pour sa pièce de théâtre « Les Fées ont soif », représentée pour la première fois au Théâtre du Nouveau Monde, à Montréal, et qui devait forcément s’éclipser de la scène pendant 40 ans. Ce n’est qu’en janvier 2019 que cette pièce fortement « féminisée » allait reparaître à la Salle Pierre-Mercure où trois femmes, trois figures symboliques, s’affirment en chair et en os, pour livrer au grand jour leur destin, dans une langue poétique et vigoureuse. Depuis « Monologues du Vagin », œuvre théâtrale de même inspiration créée en 1996 par Eve Ensler, traduite en 46 langues et interprétée dans plus de 130 pays, dont Haïti, on espérait le retour sur scène au Québec de « Les Fées ont soif ». Ces deux pièces de théâtre, respectivement de Denise Boucher et d’Eve Ensler, se situent dans le même registre que « Le Désir attrapé par la queue » de Picasso.
Lorsque la plume de cet artiste le céda à son pinceau, ce n’était pas une partie de plaisir, pour lui, car en la déposant au profit d´un pinceau « viril », il lui fallait connaitre les spasmes qu’imposent formes et couleurs, car rebelles sont les caractères en art, quand surtout ombres et lumières se disputent la primauté de l´orgasme. Dans ses transports d´une période à l’autre, allant du rose au bleu, en ruptures et en retours, pour finalement passer à la déconstruction complète, Picasso n’avait d’autre espace de spectacle que sa toile nue. De « Les Demoiselles d’Avignon », peinture de 1907, précédant de trente ans Guernica, toile de 1937, le peintre passa pratiquement d´une jouissance enchanteresse à une tragédie ubuesque. Et en dehors des œuvres inspirées par son modèle à domicile, Jacqueline, comme ses « femmes assises », il n y a que « Les Demoiselles d’Avignon » qui rappellent à mon sens cette libido énergique retrouvée dans sa pièce de théâtre « Le Désir attrapé par la queue », que son art a éclipsé de la scène, mais qui fait cause commune avec ces deux œuvres théâtrales de femmesː « Les fées ont soif » de Denise Boucher et « Monologues du vagin » d´Eve Ensler. Se peut-il que cette pièce de théâtre de Picasso se rejoue face au public ? Pas très sûr, car avec le Covid-19, ces « pièces » se jouent désormais à rideau fermé.

Mérès Weche!

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