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Wednesday, May 13, 2020

Le prochain président d’Haïti proviendra-t-il des prisons américaines?

Le retour au bercail des prisonniers expulsés par les USA


Par Max Dorismond 

La Covid-19 frappe durement. Les États-Unis en profitent pour remettre à leurs parents les délinquants notoires, qui croupissaient dans leurs prisons depuis des lustres. Bonsoir et bon baiser de l’Oncle Sam! Bonjour tristesse, via ces   colis encombrants, pour les pays destinataires!

C’est ainsi que, chez nous, on en reçoit à chaque quinzaine. Les aéronefs de la compagnie Swift Air, nolisés par ICE, (Immigration and Customs Enforcement), pour la circonstance,  les débarquent, à qui mieux mieux sur le sol d’Haïti, sans autre forme de procès. Quand on se raffole de piment, les pépins viennent toujours avec. Tant pis pour la langue gourmande!

Voyons de plus près! En premier signe de respect pour certains de ces personnages hauts en couleur, covid-19 oblige, ils sont logés dans des hôtels cinq étoiles. Une marque distinctive d’appréciation qui les dotera d’ailes et d’audace, tout en leur conférant une certaine notoriété.

Ériger le pont en jouant sur les thématiques polarisantes de la société.
À voir ces caravanes morbides traverser sans sirène les rues de la capitale, j’ai le triste pressentiment qu’un de ces quatre, un de ces tristes revenants ira jusqu’à nourrir le désir secret, tout à fait singulier, de parvenir au timon des affaires du pays.

À beau mentir qui vient de loin, dit l’adage, même si ce lointain se trouve à une heure de vol de Port-au-Prince, les réseaux sociaux ne chôment point. Ils s’acharnent à dessiner le plumage de tous ces oiseaux de mauvais augure, sans aucune réserve et avec beaucoup d’appréhension. Mais, après cette quarantaine providentielle, le rêveur impénitent, habitué à pédaler avec le vent dans la face, s’active, sans scrupules, à tâter le terrain, à évaluer toutes les possibilités sur le parcours des éventuelles étapes d’une carrière présidentielle en gestation.

Des prédécesseurs avaient déjà fait école et balisé le sentier. On les retrouve aujourd’hui, surtout à la Chambre des Députés, au Sénat et dans certaines directions administratives, mais pas encore à la présidence. Or, dans l’histoire de la Nation, que nous avions bien étudiée au secondaire, le Procès de la Consolidation1 sous Nord Alexis, du 20 mars 1903 au 25 décembre 1904, mettait en scène trois célèbres « consolidards » qui avaient connu la prison pour escroquerie. Ils se sont retrouvés, quelques années plus tard, dans le fauteuil présidentiel. Citons, entre autres, les sieurs Cincinatus Leconte, Tancrède Auguste et Vilbrun Guillaume-Sam. Donc, la nation a déjà roulé à contre-courant, avec des souvenirs électrisants et motivants. Par conséquent, le Rubicon ne sera aucunement difficile à franchir. Ce sera un jeu d’enfants, teinté d’une espèce d’optimisme rayonnant.

Haïti, l’île de toutes les opportunités, pays laxiste où le mot « impossible » ne figure nullement dans le dictionnaire, lui ouvre tout grands ses bras. Revenant de la prison des États-Unis où, par la grâce du temps, il a maîtrisé quelques facettes de la langue de Shakespeare, à titre d’unique conquête, il n’hésitera point à s’en servir pour impressionner ses interlocuteurs, en introduisant de temps à autre, un zeste d’anglais mâtiné de « slang » des bas-fonds de New York. Il est le maître qui harangue, pour le moment, la foule d’une audience imaginaire, pour contrer les mauvaises langues, qui doutent de sa culture et de sa formation. Engoncé dans des costumes hors climat, il se dédie au jeu prédestiné, en se délectant, avec une assurance gauche, dans un rôle de chef suprême : voix grave et nasillarde, pas trop éclatante, au point que l’interlocuteur doit être toute ouïe, pour montrer son intérêt aux propos du maître de céans.  

Comédien dans l’âme, et connaissant déjà l’élasticité morale de ses congénères pour le pouvoir et l’argent, il ne lésine point avec le ballon pour laisser deviner à ses hôtes les promesses des fleurs, aux fins de s’assurer de leur allégeance, le moment venu.

En posant les jalons de sa marche vers le sommet
Le transplanté reste sur ses gardes et épie tous les faits et gestes autour. Pour débuter, il impose le black-out sur son passé. En second lieu, il organise ses «Baz». Les anciens escadrons, mieux armés, sont de retour et placés en réserve de la République. Ces « Baz2 » constitueront au début, les messagers qui apporteront  l’offre finale qu’on ne pourra guère refuser : « Plomo o plata3 », le plomb ou l’argent. Ce sera à vous de choisir. Cette force de frappe sera le fer de lance du clan.

Dans les médias, nul n’aura le droit de parler du passé criminel de ce distingué sire, ni ne mentionnera son séjour dans les geôles de l’Oncle Sam. Vous aurez deux choix : celui de fermer votre gueule et votre ordinateur, ou d’écrire des textes de complaisance, en racontant dans vos colonnes des mensonges à blanchir le diable. Vos émissions ou vos articles seront vides de sens, cousus de fil blanc et humidifiés à l’eau de rose.

Et le temps passe et repasse… Aucun juge n’oserait perpétuer ou prolonger le jugement américain, pour lui mettre le grappin dessus et le placer à l’endroit précis où il devrait être. Aucun n’oserait, voyons donc! Sinon, le procès des Petro-Cari-beurres serait déjà entamé. Haïti étant ce qu’elle est, notre poulain a déjà vite compris qu’il a obtenu le feu vert et que les portes de l’enfer ne prévaudront jamais contre lui.

Et le temps va, tout s’en va! La jeunesse innocente et puérile va rentrer dans la danse. Notre virtuel candidat sera invité, à titre de commanditaire, à parrainer les distributions de diplômes des Universités connues, à couper les rubans lors des premières pour des œuvres inaugurales…etc. Entretemps, le peuple sans mémoire chante et danse, au rythme des vaccines, les prouesses inventées de ce Messie ressuscité que « le pays attendait ». Situation que je peux définir, par cette allégorie, comme l’écrit Shaul Tchernichovsky4, dans un très beau poème : l’homme est « l’empreinte du paysage de sa naissance ».

Ainsi va la vie chez nous! Rien n’a changé et rien ne changera sous le ciel d’Haïti, qui sera toujours, toujours bleu. Toutefois, permettez que je ferme la parenthèse avec cette diatribe du célèbre panafricaniste et activiste, Kémi Seba: « Quand on marche avec le diable, on finit toujours enchaîné »

Bienvenue futur dictateur! La tradition continue!


Max Dorismond  
 



NOTE
1 – Procès de la consolidation : Réf. : « Le coin de l’histoire » de Charles Dupuis.
2 – Baz : Expression créole : « clan, gang, équipe, base » le plus souvent à caractère délétère.
3 – Plomo o Plata : Expression de menaces consacrée par Pablo Escobar un célèbre
       trafiquant colombien de cocaïne à la tête du cartel de Medellin durant les années 80.
4 – Shaul Tchernichovsky : Poète russe composant en langue hébraïque. Il est considéré comme
       l’un des grands poètes de l’hébreu. Il avait immigré en Palestine en 1931. Il a été fortement
       influencé par la culture de la Grèce antique.
5 Kémi Séba : Militant panafricaniste qui lutte pour une Afrique-Unie. C’est un activiste
       anticolonialiste et essayiste. Né à Strasbourg, en France, il est considéré comme un
       suprémaciste noir. Débatteur électrisant, il n’a pas sa langue dans sa poche. Il a déjà voyagé
       deux fois en Haïti.

2 comments:

  1. oui .. depuis DES MOTS pour nous consoler , viennent de plus en plus des reflexions . certaines plus profondes que les autres pour nous reveiller de la letargie de la consolation . mais ou est la SOLUTION DANS L ACTION ( VITA ES IN MOTU ) les examples vivant sont d un autre pouvoir sinon on continuera a bruler de plus de feux que l on allumera ,

    Jn Le Capitaine

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  2. Texte bien étoffé, tres exressif, d une lecture fluide et informative. C est le genre d écriture qu il nous faut ces jours-ci pour démeler nos écheveaux et comprendre que meme si la barriere a été déclarée fermée, les chevaux rouges l ont déja franchie aux frais de la République étoilée. En attendant les SÉLECTIONS.

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