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Friday, December 7, 2018

La mémoire au service des luttes

Une belle page sur l'intolérance et l'injustice de l'État.

Il y a 91 ans, le 23 août 1927, Nicola Sacco et Bartolomeo Vanzetti, deux anarchistes états-uniens d’origine italienne, étaient exécutés. 

Le contexte politique de l’époque est celui d’une multiplication des grèves ouvrières dans tout le pays. En 1919, on compte 4,1 millions de grévistes qui demandent l'augmentation des salaires et la réduction du temps de travail (de 12 heures à 8 heures)

Dans de nombreuses villes, comme Boston, les grèves se transforment en émeutes populaires. Des attentats anarchistes contre des élus, des chefs d’entreprise et des banques se développent. Des militants, qui n’ont rien à voir avec ces attentats, sont arrêtés par centaines pour contrer, selon le gouvernement, la « révolution bolchévique ». Les militants immigrés sont particulièrement visés en raison de leur forte participation dans les syndicats et dans les grèves.

C'est dans ce contexte que Sacco et Vanzetti sont accusés de deux braquages ayant fait deux morts. Le premier procès débute le 22 juin 1920. Des « témoins » affirment reconnaître les deux militants comme étant les auteurs des assassinats alors que les avocats de ces derniers prouvent que cela était impossible, vu l’endroit où ils se trouvaient. 
Les témoins à décharge ne sont pas retenus car ils sont des immigrés italiens comme les accusés. Ils apportent pourtant plusieurs preuves démontrant que ces derniers étaient ailleurs au moment des braquages. Le 16 août seul Sacco est condamné à 15 ans de prison.
Un second procès se déroule entre mai et juillet 1921. Les deux militants sont condamnés à la peine capitale pour crime, malgré le manque de preuves. Les syndicats lancent immédiatement une campagne nationale et internationale de solidarité. 

En novembre 1925, un autre détenu Celestino Madeiros avoue de sa prison être l’auteur des braquages et des meurtres. Le juge Webster Thayer qui se définit lui-même comme un « vieil Américain de souche blanche, n'aimant ni les Italiens ni les anarchistes", refuse de rouvrir le dossier.

Dans le monde entier des manifestations se déroulent pour la libération de Sacco et Vanzetti. Elles forcent le report de l’exécution pendant deux ans. Le 23 août ils sont exécutés par chaise électrique à la prison de Charleston à Boston. 
50 ans plus tard, le 23 août 1977 le gouverneur du Massachusetts Michael Dukakis reconnaît l’innocence de Saco et Vanzetti et les réhabilite officiellement. Ils sont devenus des symboles de l’injustice d’État.

Répondant au juge après l’annonce de la sentence Vanzetti déclare :
« Si cette chose n'était pas arrivée, j'aurais passé toute ma vie à parler au coin des rues à des hommes méprisants. J'aurais pu mourir inconnu, ignoré : un raté. Ceci est notre carrière et notre triomphe. Jamais, dans toute notre vie, nous n'aurions pu espérer faire pour la tolérance, pour la justice, pour la compréhension mutuelle des hommes, ce que nous faisons aujourd’hui par hasard. Nos paroles, nos vies, nos souffrances ne sont rien. Mais qu’on nous prenne nos vies, vies d'un bon cordonnier et d'un pauvre vendeur de poissons, c'est cela qui est tout ! Ce dernier moment est le nôtre. Cette agonie est notre triomphe. »

Qu’ils reposent en paix.
  

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