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Wednesday, March 30, 2016

Cuba et l'ignorance de certains journalistes (par Léo Paul Lauzon)

Président Obama lors de son discours à Cuba

Il faut grandement féliciter le président des États-Unis d’avoir effectué cette visite historique à Cuba afin d’essayer d’harmoniser les relations diplomatiques entre les deux pays. Mais la levée de l’embargo économique, qui coûte chaque année des milliards de dollars à Cuba, n’est pas pour demain. Ce n’est pas seulement les républicains américains qui s’opposent à la fin de cet odieux et criminel embargo, mais aussi l’État de Floride qui perdrait alors des milliers de touristes au profit de Cuba. Il y a aussi l’industrie pharmaceutique qui ne veut pas voir déferler aux States les médicaments développés par la dynamique industrie étatique pharmaceutique cubaine, ainsi que la lucrativebusiness des hôpitaux et des médecins privés américains cotés à la Bourse qui verrait des millions de malades aller se faire soigner sur l’île socialiste. C’est également sans compter les producteurs de fruits et de légumes, etc.
Ce n’est qu’en 2015 que les États-Unis ont retiré Cuba de leur liste noire des États «soutenant le terrorisme». Vraiment ridicule. Parlant de terrorisme, que font les States sur l’île même, à Guantanamo pour être plus précis? Des centaines de personnes emprisonnées sans procès et torturées en plus de ça. Que les Américains, par respect pour le peuple cubain, posent leurs gestes ignobles ailleurs que sur l’île cubaine. Guantanamo, qui fait partie intégrante de Cuba et qui lui a été subtilisée, pour ne pas dire volée, il y a environ 100 ans, doit être restituée à Cuba. C’est la moindre des choses.
À propos des reportages sur Cuba dans notre presse écrite
Mes amis, vous le savez bien, ma patience est presque infinie, et je fais toujours preuve d’une retenue et d’une réserve exemplaires. Mais là, en lisant les comptes-rendus de nos journalistes de la presse écrite sur le récent voyage de Barack Obama à Cuba, j’ai sauté une coche et des fils se sont touchés. Ça ne se peut pas. Pour la millième fois, nos journalistes en ont profité pour déblatérer de nouveau sur Cuba. Ben oui, tout le monde sait qu’à Cuba les gens sont épiés et surveillés (pourtant autant qu’aux États-Unis) et qu’en plus, ils sont ostracisés, emprisonnés et même torturés. Un système plus que totalitaire que nous répètent à satiété nos journalistes. À Cuba, il n’y a pas de criminels, seulement des prisonniers politiques. En plus de subir la répression, les Cubains sont tous pauvres et sous-alimentés qu’ils nous disent. L’enfer ce n’est pas l’autre, c’est Cuba.
Je m’excuse, mais tenir de tels propos sur Cuba relève de l’ignorance et d’un niveau d’endoctrinement maladif chez certains de nos «professionnels» de l’information qui sont pourtant censés produire une information neutre et objective. Oh, pas du tout, je n’insulte pas les journalistes en disant ça, je ne fais que constater empiriquement ce qui a été écrit sur Cuba dans nos médias. Je me dois de parler franchement à certains de mes amis journalistes.
Des réalisations extraordinaires passées sous silence
Cuba a un des meilleurs systèmes de garderies, de santé, d’éducation, d’aide internationale, etc. au monde, et ça, pour nos journalistes émérites, ne compte pas. À Cuba, toutes les personnes, peu importe leur statut, ont un médecin de famille et plus; se font soigner et opérer rapidement; n’attendent pas vingt heures à l’urgence; jouissent de la gratuité des médicaments; ont le privilège d’aller de la garderie à l’université gratuitement; ont un meilleur système de transport en commun qu’ici, etc. Toute une dictature! Être soignés et éduqués comme le sont les Cubains, ça ne fait pas partie de la sacro-sainte notion de liberté individuelle qu’ont mes amis journalistes.
Je le demande: elle est où la «liberté» quand vous n’avez pas de médecin de famille et quand vous attendez vingt heures à l’urgence? Ou encore plus d’un an avant de vous faire opérer? Elle est où votre liberté quand vos enfants fréquentent des écoles avec plein de moisissures et quand les jeunes vont à l’école sans rien avoir mangé et qu’ils n’ont pas droit à des services spécialisés comme à Cuba? Ben oui, ici la notion de démocratie et de liberté est assimilée principalement au fait de pouvoir aller voter aux quatre ans pour l’un des trois partis politiques qui ont, disons-le, à peu près tous le même programme (CAQ, PQ et PLQ).
Quelques faits sur Cuba
Pauvres et privés de liberté les Cubains, vous dites? Pouvez-vous alors m’expliquer pourquoi Cuba est l’un des pays les plus riches en centenaires au monde par habitant? «Le club des 120 ans. Le secret des centenaires cubains» (Le Journal de Montréal, 21 mai 2010). Ils ont la couenne dure ces Cubains pour vivre aussi vieux en étant opprimés et affamés toute leur vie. Commencez-vous à vous poser des questions, mes amis?
Saviez-vous que l’indice de développement humain de l’ONU place Cuba parmi les plus avancés (44e rang sur 187 pays) pour ce qui est de l’espérance de vie à la naissance, le niveau d’éducation et le niveau de vie? Eh oui, le niveau de vie, mes amis. Saviez-vous aussi que les taux de mortalité infantile et prénatale sont plus bas à Cuba qu’aux States? Et puis, saviez-vous qu’à Cuba on compte seulement 3 % d’analphabètes contre environ 12 % au Québec? Saviez-vous que l’espérance de vie à la naissance atteint le même niveau que les pays développés (78 ans)? Toujours selon l’ONU, l’indicateur de développement humain est de 8 ½ sur 10 à Cuba. Je suppose que tous ces faits ne font pas des Cubains des gens effectivement plus libres que dans la majorité des pays du monde et même plus qu’au Québec? Eh oui, plus qu’au Canada.
Aide internationale fournie par Cuba
Paroles du secrétaire d’État américain John Kerry concernant l’épidémie de fièvre Ebola: «Je voudrais remercier Cuba pour son aide dans la lutte internationale contre la fièvre hémorragique. Cuba, un pays d’à peine 11 millions d’habitants, a dépêché 165 professionnels de la santé en Afrique de l’Ouest et prévoit en envoyer près de 300 de plus» (La Presse, 27 octobre 2014, texte de Richard Hétu). Mes amis, le Québec supposément démocratique a envoyé combien de docteurs en Afrique?
Ah ben, en voilà une autre bonne rapportée dans Le Journal de Montréal du 12 juillet 2013: «L’Organisation mondiale de la santé a officiellement déclaré hier Cuba comme le premier pays au monde à avoir éliminé la transmission du virus du sida (VIH) et de la syphilis de la mère à l’enfant». Toujours rien à voir avec les notions de liberté et de démocratie?
J’en aurais plein d’autres qui pourraient vous aider à vous ouvrir les yeux et les oreilles, mais en voici une drôle: «Des Américains étudieront la médecine à Cuba» (La Presse, 29 octobre 2015). C’est l’université du Michigan qui va envoyer ses apprentis médecins étudier dans les hôpitaux cubains. Tiens, une autre dernière: «Se faire soigner à Cuba. Des Québécois s’y rendent même pour traiter leur cancer» (Le Journal de Montréal, 23 mars 2009). Et pas seulement des Québécois, loin de là!
Visites du pape à Cuba
En 2012, visite du pape Benoît XVI à Cuba, 14 ans après celle de Jean-Paul II. En 2015, visite du pape François à Cuba et en 2016, toujours sur l’île «communiste», le pape François rencontre le chef de l’Église orthodoxe russe Kirill. Mais que font ces religieux dans un pays qui, selon nos amis journalistes, brime les libertés individuelles, emprisonne les opposants, même les soi-disant résistants «modérés» et opprime sa population? Ben oui, l’Égypte, l’Arabie Saoudite, l’Ukraine «libérée», le Honduras ou encore l’Érythrée apparaissent comme des formidables démocraties lorsqu’on les compare à Cuba. Vraiment tout le monde sait ça. Ah ben! c’est à La Havane en 2015, et c’est Cuba qui a agi comme médiateur dans les conflits meurtriers opposant le gouvernement de Colombie et la guérilla des FARC. Franchement, un pays de la droite comme la Colombie, qui choisit Cuba, ce pays maudit, comme conciliateur... Mes amis journalistes, j’espère que vous commencez à comprendre!
Leçon d’histoire
Mes amis, depuis la révolution cubaine, initiée par Fidel Castro il y plus de cinquante ans, les Américains et d’autres ont financé généreusement plusieurs organisations cubaines et étrangères, souvent des ONG avec des noms très angéliques, afin de renverser le gouvernement socialiste cubain, comme ils l’ont fait récemment avec succès en Ukraine, au Honduras, en Égypte, etc. Aie! Cuba est à 90 kilomètres des States. Si les Américains n’ont pas réussi leur putsch, c’est grâce au peuple cubain, éduqué et conscientisé, qui tient à son merveilleux système. Un point c’est tout. Ah oui, les States ont manigancé plusieurs fois afin de liquider Fidel Castro. Pour les journalistes, il faudrait laisser passer toutes les ONG et tous les dissidents «modérés» financés par l’étranger afin de renverser le gouvernement cubain et d’agir à leur guise sur l’île. Renverser le gouvernement actuel à Cuba au profit de qui au juste? Des gens qui, comme ici, instaureraient le principe de l’utilisateur-payeur dans les services publics cubains mille plus développés et accessibles qu’au Québec?
On peut regarder ce qui est déjà arrivé en Amérique du Sud en lisant bien ces titres d’articles de journaux:
«Henry Kissinger a appuyé la dictature militaire en Argentine. Selon des documents déclassifiés, l’ex-secrétaire des États-Unis a approuvé la répression sanglante de la junte au pouvoir entre 1976 et 1983» (La Presse, 23 août 2002).
«Guatemala: la CIA derrière un coup d’État en 1954» (La Presse, 16 mai 2003). Et qui fut derrière le récent putsch au Honduras? Et qui était derrière l’enlèvement du défunt président du Venezuela Hugo Chavez?
«La CIA admet ses liens avec le chef de la police secrète chilienne sous Pinochet» (Le Journal de Montréal, 20 septembre 2000). Et qui a financé les contras au Nicaragua afin de renverser le président élu Daniel Ortega?
Ben non, ces choses-là ne pourront jamais se produire à Cuba. De toute façon, même quand il y a un putsch militaire qui renverse un gouvernement élu démocratiquement comme en Égypte, en Ukraine et au Honduras, si le nouveau gouvernement mis en place par les militaires est du côté des Occidentaux et est favorable au libre marché, c’est alors une bonne dictature. Il y a, comme ça, dans le monde, les bonnes et les mauvaises dictatures.
Et la démocratie au Québec dans tout cela
Quand un premier ministre déclare ce qui suit, comme l’a fait Philippe Couillard, faut nécessairement se poser des questions sur la vraie valeur de notre démocratie: «Non, la majorité n’a pas toujours raison. Le courage politique consiste à affirmer et à maintenir des positions différentes [allô démocratie] si elles s’appuient sur des principes profonds» (La Presse, 12 décembre 2013). Couillard qui parle de principes profonds, faut le faire. Et où est la démocratie quand le PLQ impose ses mesures d’austérité à l’encontre de la volonté de la majorité et quand le premier ministre a le culot de déclarer: «Les coupes ont touché les plus vulnérables admet Couillard» (Le Devoir, 23 septembre 2015). Pas les plus riches, mais les plus vulnérables. Au contraire, des coupes qui ont profité aux gras dur en «libérant» des fonds publics.
Et puis, quand dans une province comme le Québec on érige la corruption en système, on devrait se garder une petite gêne quand vient le temps de faire la leçon aux autres pays en termes de démocratie et de liberté individuelle, notamment les journalistes. Pourquoi ne pas venir avec moi en décembre prochain à Cuba dans ce petit village (Guanabo) de 5000 habitants situé à environ 40 kilomètres de La Havane. Je vous ferai alors visiter une garderie, une école secondaire, une clinique médicale et, prenant le transport en commun qui mène directement à La Havane, on ira visiter un hôpital, une école de médecine et une université. Ah oui, à Guanabo, on assistera ensemble à une assemblée d’un arrondissement et d’une commission scolaire. Vous allez voir que les Cubains n’ont pas la langue dans leur poche. On parlera aussi aux gens dans la rue et on observera leur façon de faire. Ça coûtera ce que ça coûtera aux organes de presse, mais ça va valoir la peine. En passant, couvre-feu à 10 heures le soir, et pas question de partir sur la «go». On aura une grosse semaine de travail devant nous; faut admettre qu’on part de loin.
CA_LeoPaul_Lauzon


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