Pour l’amour de l’argent, ils ont détruit ce si beau pays où les
gens avaient,
autrefois, des chansons plein le cœur, et dans l’âme
le
désir fou de vivre là où le temps prenait
le temps de s’écouler (MxD).
Par Max Dorismond
Le brillant Dr Guy
Théodore de Pignon dans le Nord d’Haïti.
C’est dans cette atmosphère délétère que notre bon samaritain, le grand chirurgien béni de Pignon, qui a fait don de sa vie à sa région natale, en érigeant un hôpital phare, cinq étoiles, bâti avec ses propres deniers, a été invité par des amis très intéressés de la diaspora à faire cadeau aussi de sa personne à la nation entière.
Se sentant désigné, le valeureux médecin ne se fit pas prier. Il voyait la politique en Haïti à l’image des films trompe-l’œil d’Hollywood, où le bien finit toujours par triompher du mal. Dans l’arrière-pays de ses rêves, il n’avait pas bien dosé ou soupesé la dimension d’une telle décision.
La diaspora jubilait, Le Nord était emballé. Enfin, voici quelqu’un de représentatif, de sérieux, pour la renaissance de l’île, etc. Les qualificatifs élogieux pleuvaient et tout était radieux. Discours à New York, à Boston, à Miami, partout. Le Dr Théodore que j’avais rencontré un été à Port-au-Prince, au début de mes 17 ans, était fiancé à une connaissance qui allait devenir sa première femme. Il venait de terminer sa dernière année de médecine. J’étais doublement ravi pour Haïti, qui allait tomber en de bonnes mains. Mais c’était sans compter sans les barons de l’ombre.
Hélas, l’enchantement national fut de courte durée. Le brillant chirurgien découvrit après 3 ou 4 mois de campagne qu’il n’avait point la fibre d’un escamoteur. Sans tambour ni trompette, il annonça sa démission un matin. Ce fut une douche froide pour les fanatiques, et Haïti venait de dégringoler aussi vite les marches de l’espoir. Théodore n’avait pas l’étoffe d’un escroc, d’un inconscient, d’un brigand, d’un fossoyeur de nation, tel que l’exige la publicité subliminale sans les mots. Il ne pouvait renier son serment d’Hippocrate. Il avait promis à son père, pasteur de son état, de faire du bien toute sa vie pour son pays. Homme de parole, il ne saurait décevoir le paternel.
Cette nouvelle assommante fit la joie de la camarilla qui se bouscula au portillon. Plus de 200 partis politiques furent créés à cette époque. La voie était libre. Les années ont passé. À part des spéculations oiseuses, nulle vraie raison n’a été avancée pour expliquer la débandade du gang à Théodore avant cette cruciale vidéo sur Pignon, visionnée récemment.
Presque, à la dernière minute de cette interface (après 1 h 42 min 28 s), le célèbre Dr trouva l’occasion de mettre les pendules à l’heure, suite à l’invitante question du journaliste, à savoir : « s’il n’aurait pas fait la même chose pour Haïti, s’il était président ? ». https://youtu.be/hSasID1kYYM?t=6146
Voilà ma gloire ! J’attendais cette réponse depuis plus de 30 ans et me voilà servi à souhait. Le bon samaritain esquissa un sourire narquois, prit tout son temps pour décortiquer la débâcle. « Ce fut, dit-il, une mise en situation qui l’a découragé et forcé à tourner casaque. Étant invité à Port-au-Prince à rencontrer les vrais maîtres du pays, parmi lesquels plusieurs richards de la haute société, qui m’expliquaient que je n’avais pas besoin de m’en faire pour l’argent. Une élection d’ici coûte entre 8 et 10 millions de dollars US. Nous allons les dépenser pour vous, à condition de nous laisser le champ libre en nous donnant la Douane, les Finances, la DGI, les Travaux publics, l’APN, l’AAN, l’OFNAC, la BMPAD1, etc. ». Ainsi, le bon docteur vient de découvrir qu’il s’était trompé de rêve. Adieu Présidence! Adieu populace! Il a pris ses jambes à son cou pour retourner à bride abattue dans son Pignon natal et s’occuper de ses malades.
Au même moment, l’image de « tassot frit2 » d’un Jovenel Moïse désarticulé réanime ma mémoire endormie. Le corps écrabouillé, les yeux crevés, pour avoir violé les conditions du contrat d’embauche dans la dernière année de services. Les inconscients ont été sans pitié, pour attiser ce message phosphorescent, sans équivoque, au prochain favorisé, à savoir que c’est un jeu de « pwen’n fè pa ». « Ou mange lajen shango, pa vinn ranse, pa vinn plenyen ! C’est à prendre ou à laisser, le pays nous appartient ».
À partir de cet assassinat crapuleux, les oligarques ont dessiné leur contrat à l’encre écarlate. La publicité ne se perd point dans les nuances. Elle est claire comme un Seven-up. On cherche des voleurs, des vicieux, des escrocs, des sociopathes, des malhonnêtes, des assoiffés de richesses faciles, pour gérer la nation. Le Dr Théodore a eu du flair pour glisser entre leurs doigts et retourner s’occuper de son hôpital à Pignon. Mais le pauvre Jojo, se croyant plus malin, a joué à la roulette russe et a perdu.
Néanmoins, selon l’histoire, Duvalier, qui n’avait non plus un sou, avait tenté sa chance à ce casino. Étant calme et taciturne, l’élite commerciale pensait avoir mis la main sur un nono paisible qui s’exprimait avec hésitation. Ils croyaient avoir dégoté le meilleur « président de doublure » comme par le passé : la tradition continue. Mais malin et malin et demi, François les a contournés sur leur gauche, avec la création des Tontons Macoutes, qui ne faisaient pas dans la dentelle. Il déstabilisa l’armée corrompue. Nous connaissons la suite.
Toutefois, l’invitante publicité est toujours omniprésente dans la psyché haïtienne. Presque tous les futurs candidats le savent et n’en ont cure. Ça piaffe derrière la porte. Comme un refoulement d’égout, ils sortent de tous les trous. La liste surchauffe avec 264 partis politiques en avril 2022. Les prospects assoiffés de dollars s’impatientent. Conscients du risque, tous sont fin prêts à jouer le jeu du « pwenn fè pa ». Les affairistes se frottent les mains d’aise.
Le corps sans vie de Jojo, en fromage de gruyère, ne s’oublie pas du jour au lendemain. Le souhait de soudaines richesses rapetisse le moral. Haïti sera toujours dirigé pour l’éternité par des voyous, des voleurs, des bandits légaux, tant que ces prédateurs sont prêts à acheter « le père, le fils et le sain d’esprit » pour parodier le sociologue haïtien Frédéric Boisrond.
En dépit de tout, Haïti a-t-elle une chance de s’en tirer ? Depuis plus de 218 ans, ces oligarques gangrènent toute une île. Autrefois, ces loups avides de richesses, même nés dans le pays, changeaient de nationalité pour arnaquer le pouvoir sous toutes les coutures. Haïti remettait des chèques à l’infini. Souvenons-nous de l’affaire Ludërs, par exemple. Plus tard, en faisant brouter l’armée d’Haïti dans leur main, les coups d’État à répétition pleuvaient si le gouvernement se montrait trop timide face à leur requête.
Aujourd’hui, avec leur fric et leurs gangs, ils assurent leur mainmise en faisant miroiter des offres que les politiciens « grands mangeurs », les quidams sans état d’âme, les renégats en cravate, ne peuvent refuser.
En contrôlant le pouvoir central, cette oligarchie arrose le reste en dollars : les juges, les journalistes, les policiers, les hauts fonctionnaires, etc. Entre autres, leurs sicaires bien armés sont là pour refroidir les récalcitrants, les excités, les empêcheurs de tourner en rond. Les politiciens étrangers sont payés via les lobbyistes pour calmer leur semblant d’humanisme aux fins de tolérer le statu quo. Ces riches Haïtiens ont presque tous acheté leur immunité diplomatique pour se protéger de la furie populaire, le jour venu. Une plaque de Consul Honoraire d’un quelconque pays décore l’arrière de leur commerce. Ils sont habituellement de passage ici. Ils résident tous à l’extérieur.
Ne cherchons pas ailleurs la cause du malheur qui plombe nos ailes. Tout est là, tout a été démontré. Nous avons vendu notre âme au diable pour quelques pièces de monnaie. C’est l’unique raison de notre déchéance. Nous sommes loin de sortir des cavernes, avec ce peuple enfant qui a la résignation en partage, en acceptant toujours, sans broncher, le fardeau que l’inconscience des autres a jugé bon de lui affliger.
Voilà le vrai problème qui ankylose ce pays depuis des lustres. Nous n’avons pas un buffet d’options. L’unique solution qui reste à Haïti pour stopper les limites de l’inconcevable, c’est d’éradiquer cette race de cancrelats, les considérer comme des vermines nuisibles, pour mieux les écraser. Autrement, nous sommes foutus. Le pays est à bout de souffle, le peuple est aux abois et la misère hurle. Cette chanson ci-jointe, « Gade yon doulè » en est la dernière complainte à nous chiffonner l’âme et le cœur. Écoutons-la : https://youtu.be/pO-I6Fm8q9o . Lire Part 1
Max Dorismond |
-NOTE -
1
– DGI : Direction Générale des Impôts / APN : Autorité Portuaire
Nationale / AAN : Autorité Aéroportuaire Nationale / OFCNAC : Office National
de l’Aviation Civile / BMPAD : Bureau de Monétisation des Programmes
d’Aide au Développement.
2
– « Tassot frit : Une particularité de la cuisine haïtienne. Type de
viande fumée et braisée.